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Les principales bourses évoluent en ordre dispersé, tiraillées entre l’élan donné par Wall Street sur fonds de résultats d’entreprise solides, la prudence de mise face à la tournure que prennent les sanctions douanières imposées par les Etats-Unis, et le retour de la crise de la dette en Italie.
Si la bonne dynamique des résultats d’entreprise entamée au premier trimestre 2018 se poursuit, de nombreuses tensions sont palpables sur le marché.
AMERICA FIRST
Sur le plan des données macroéconomiques, le principal instigateur de la guerre commerciale se porte bien, très bien même. Alors qu’à chaque fois, l’écroulement des Etats-Unis est annoncé, l’économie américaine continue d’afficher une santé insolente et surprend par la force de sa devise. Et comme souvent, la consommation des ménages (à son niveau le plus élevé depuis la fin 2014) et l’investissement des entreprises sont les principaux moteurs à la performance du pays.
Comme un clin d’œil aux mesures imposées par Donald Trump, on constate que le commerce extérieur a lui aussi contribué positivement à la croissance américaine. Le PIB des Etats-Unis a augmenté de 1% (soit 4% en rythme annualisé), un record depuis le troisième trimestre 2014. La réforme fiscale produit également ses effets et dope les cours boursiers US à travers les rachats d’actions.
Les économies réalisées à la suite de la réforme de l’impôt sur les sociétés adoptée en décembre entraînent un excédent de trésorerie et permet aux entreprises américaines de racheter leurs propres actions. Facteur d’optimisme pour les investisseurs, les rachats d’actions soutiennent le prix de l’action car en acquérant ses propres titres, l’entreprise fait diminuer le nombre d’actions en circulation et mécaniquement augmenter sa valeur boursière.
Ces chiffres devraient conforter la Réserve fédérale américaine dans sa volonté d’augmenter les taux d’intérêt à deux reprises d’ici la fin de l’année. La principale cible dans cette guerre commerciale, la Chine, montre quand à elle quelques signes d’essoufflement. Certes, les exportations chinoises ont augmenté de 12,2% sur un an en juillet, une progression nettement supérieure aux attentes. Pour autant, on a pu assister à un ralentissement surprise de la consommation et une drastique baisse de régime des investissements.
Les résultats sont contrastés pour l’Europe, avec des publications d’entreprise mitigées et un PIB qui décélère.Les bons résultats macroéconomiques ne suffisent pas à masquer les risques géopolitiques, certains vents contraires soufflent clairement sur les marchés internationaux et pourraient freiner la dynamique observée depuis le début 2017.
La guerre des monnaies traduit l’imbroglio politique international qui règne actuellement
La guerre commerciale menée par le président américain bouscule les équilibres financiers en place. A commencé par la Chine, première victime des sanctions douanières imposées par la maison blanche. Pour répliquer et offrir un soutien aux exportateurs chinois, la Chine a laissé sa monnaie se dévaluer de près de 10% depuis le début de l’année.
En effet, une dépréciation de 7% du yuan est suffisante, sur le papier, pour contrecarrer l’impact des taxes américaines et Pékin l’a bien compris (entre mi-juin et début août, la monnaie chinoise a fondu de 7%, tombant au plus bas depuis mai 2017). Il y a trois ans, à la même époque, la dévaluation du yuan avait fait passer un mauvais été aux marchés boursiers.
Cette fois les choses sont différentes, les ambitions monétaires de la Chine ne lui permettent plus autant de souplesse que par le passé, surtout depuis que le pays rêve d’imposer au monde une autre monnaie de réserve que le dollar. Or pour être reconnue comme monnaie de référence par le FMI, une monnaie doit présenter une certaine stabilité. La versatilité prolongée du yuan risque de mettre en danger les ambitions économiques de Pékin : l’internationalisation du yuan.
Le doublement des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs a entraîné une chute rapide de la livre turque et a mis en lumière les défaillances des autres pays émergents. En imposant des droits de douane plus élevés à la Turquie, le président américain continue de déstabiliser l’échiquier mondial à la faveur des Etats-Unis et de son dollar fort. La livre turque, dont la chute s’est accélérée depuis le début du mois d’août, a en effet perdu 40 % de sa valeur face à l’euro et au dollar en 2018.
Provoquant un vent de panique chez les investisseurs, le Vieux Continent devient victime collatérale du nouveau choc exogène venu frappé la Turquie tout comme l’Argentine, la Russie ou encore la Chine. Les choix du président américain vont ils continuer à orchestrer un nouvel ordre économique mondial au service d’une hausse exponentielle du dollar ?