Chine, Pétrole, Taux : vers une nouvelle géographie de la croissance mondiale

08 septembre 2015
10 min de lecture
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Depuis le début de l’année, on parle beaucoup de l’exceptionnel alignement des planètes sur la zone euro : des taux d’emprunts proches de zéro, une monnaie en baisse, des prix du pétrole divisés par deux, voilà bien une conjonction historiquement favorable à la zone. Pourtant, ailleurs dans le monde, il y a un autre alignement des planètes, bien moins favorable – il a causé d’importantes secousses de marché au courant du mois d’août et en septembre.

En effet, 1) le ralentissement de la croissance chinoise, 2) la baisse extrême des cours du pétrole, et 3) la perspective de la hausse des taux américains, font un cocktail particulièrement instable et difficile à avaler pour les marchés. Cet environnement dessine en réalité une redistribution marquée de la croissance mondiale.

Nos portefeuilles : assurances vie, compte titres, PEA

Nous avons anticipé la plupart de ces éléments, et avons réalisé un arbitrage en date du 20 août 2015, sur nos portefeuilles. Cet arbitrage nous a permis de nous préserver des très fortes secousses de marché des jours suivants, en particulier celles autour du lundi noir du 24 août 2015.

La philosophie générale de l’arbitrage consiste à cesser toute exposition directionnelle aux marchés actions comme aux marchés obligataires, pour leur préférer une exposition différentielle entre les zones géographiques et entre les classes d’actifs. En effet, notamment à cause de la prochaine hausse des taux américains, les marchés actions mondiaux devraient continuer de connaître une volatilité importante, et il en est de même pour les marchés obligataires. Par contre, la différence de santé économique entre les zones géographiques (USA, Europe, Emergents) s’accroît sensiblement : les USA confirment leur sortie de crise avec une prochaine hausse des taux; l’Europe bénéficie de conditions financières et monétaires particulièrement favorables et des taux qui restent à zero avec une croissance qui continue de patiner; la Chine, elle, ralentit et baisse ses taux; enfin, du fait de la nouvelle surabondance mondiale de pétrole, les pays producteurs s’enfoncent dans une crise plus importante chaque jour (Russie, Brésil, etc…). Nos portefeuilles sont positionnés pour bénéficier de ces différences de vitesse économique, et de la différence des politiques de taux d’intérêts de leurs banques centrales, tout en nous préservant de la direction des marchés : explications ci-dessous.

Réservé à nos clients : vous pouvez consulter, dans votre Accès réservé (Vous, Accès Réservé), le détail de l’arbitrage, fonds par fonds, les fiches de présentation des fonds sélectionnés, et les analyses de nos nouveaux portefeuilles.

 


Le ralentissement chinois et les turbulences de marchés

La Chine a procédé à deux dévaluations surprises de sa monnaie, à une semaine d’intervalle, entre le 11 et le 18 août. Bien que relativement faible, cette dévaluation a été interprétée par les marchés comme le signe que la croissance chinoise ralentissait plus que prévu. En outre, une maladresse certaine de communication de la banque centrale chinoise (PBOC) a laissé craindre une perte de contrôle de celle-ci sur la situation économique du pays.

Comme le monde a besoin de pôles solides de croissance (les USA et la Chine), ces décisions et hésitations de la banque centrale chinoise ont déclenchés une panique boursière particulièrement forte, en particulier lors du lundi noir du 25 août : ce jour, le Dow Jones a ouvert à -10% par rapport au cours de clôture de la veille, dans des volumes qu’on avait pas connu même après la faillite de Lehmann Brother. (Encore une fois, nos indicateurs internes nous ont amenés à arbitrer nos portefeuilles une semaine avant : les arbitrages sont passés en dates du 20 août.)

Ce ralentissement de la croissance chinoise ne nous inquiète pourtant pas outre mesure pour la Chine elle-même (il nous inquiète plutôt pour les pays plus fragiles, dépendants de la croissance chinoise) : nous savons en effet depuis longtemps que la Chine est attelée, depuis 2008, à la tâche herculéenne de changer le moteur de croissance d’un pays de 1,4 milliards d’habitants, devenu en 10 ans le deuxième puissance économique mondiale.

Anciennement atelier du monde, grace à ses petites mains innombrables à faible coûts, la Chine est en train de devenir le centre de consommation domestique le plus important au monde. Depuis Hu Jintao, le gouvernement chinois appuie les hausses de salaires des travailleurs chinois, afin de solvabiliser la classe moyenne chinoise, au détriment de la faiblesse de ses coûts de productions, qui favorisait les exportations. En outre, le nouveau président Xi Jinping, cherche à responsabiliser les banques du pays dans leur allocation de crédit, à limiter le soutien gouvernemental aux entreprises, et à lutter contre la corruption – afin que les entreprises chinoises soient réellement de taille à rivaliser avec les américaines, sans le soutien de l’Etat chinois.

Cette transformation est si rapide qu’à ce jour, les coûts de production chinois se sont hissés au même niveau que les coûts de production américains ! Produire en Chine coûte aujourd’hui aussi cher que produire aux USA !

Ainsi, les exportations chinoises baissent naturellement du fait de la hausse des salaires, comme la production manufacturière qui les soutient, et on compte sur l’économie des services pour compenser cette perte de croissance – mais cela ne se fait pas en un jour.

Ainsi, le changement de moteur de croissance de la Chine, et l’arrivée à maturité de l’économie chinoise, expliquent la baisse de la croissance chinoise, dont une part est structurelle.

En outre, la Chine travaille depuis une dizaine d’année, patiemment, pour faire de sa monnaie une monnaie de réserve des banques centrales, et à terme l’unique concurrent du dollar US. La double dévaluation du mois d’août, qui a affolé les marchés financiers du monde entier, est en réalité une étape importante, exigée par le FMI, de lier de plus en plus la monnaie chinoise aux fluctuations du marché – et de limiter le contrôle de l’Etat sur cette monnaie. Cette dévaluation doit approcher la Chine du moment où sa monnaie pourra intégrer les DTS (Droits de Tirages Spéciaux), c’est-à-dire la monnaie du FMI, basée sur un panier de devises…étape cruciale vers le statut de monnaie de réserve.

Enfin, n’oublions pas que la Chine possède plus de 4000 milliards de dollars de réserves de change, et qu’elle a des taux d’intérêts élevés (qu’elle peut baisser en cas de ralentissement) avec une inflation relativement faible : la Chine, sur le fond, nous semble clairement en mesure de faire face à certains inévitables accidents de parcours sur la route cahoteuse qu’elle emprunte, sur le chemin d’une économie de consommation.

Par contre, le ralentissement chinois, la raréfaction du crédit, et la hausse du dollar devraient néanmoins clairement causer une hausse du nombre de défaillances d’entreprises (dont beaucoup ont emprunté en dollar US), et il devrait avoir des conséquences importantes pour les pays qui dépendent de la croissance chinoise.

Nos portefeuilles sont donc construits pour profiter de la surperformance des pays développés vis-à-vis des pays émergents.

 


Jusqu’où ira la baisse du pétrole ?

Au même moment, la très forte baisse des prix du pétrole a repris, suite à la confirmation d’un ralentissement de la consommation mondiale. L’exploitation du gaz de schiste a fait des US.

A, qui ne produisaient pas de pétrole il y a seulement cinq ans, le deuxième plus important producteur de pétrole, juste derrière l’Arabie Saoudite ! Il y aurait, dans le seul sol américain, l’équivalent de 250 ans de consommation mondiale de pétrole. En outre, les récents accords avec l’Iran devraient lui permettre de bientôt rejoindre les pays producteurs de pétrole : l’Iran a indiqué qu’elle produirait à n’importe quel prix…

En réalité, le pétrole est passé en quelques années, d’une situation de raréfaction structurelle, à une surabondance mondiale durable.

Mais cette baisse durable et très marquée du prix du pétrole (il est passé sous les 39 dollars US le baril au mois d’août, contre plus de 150 dollars au premier semestre 2011) redistribue les cartes de la croissance mondiale : auparavant, les pays producteurs de pétrole connaissaient une croissance plus forte que les reste du monde; aujourd’hui, ce sont au contraire les pays consommateurs de pétrole et qui n’en produisent pas qui sont avantagés. Les pays producteurs de pétroles connaissent, eux, d’importantes difficultés : qui sait si, d’ici quelques années, le FMI ne devra pas voler au secours d’un pays comme le Brésil ? Petrobras, avec ses 100 milliards d’USD de dettes, pourrait entraîner un pays déjà au bord de la récession. A l’inverse, des pays comme la Chine (si !), et la zone euro, qui sont d’importants consommateurs de pétrole, ajoutent à leur croissance interne le bénéficie de cette baisse inattendue du prix du pétrole.

Pourtant, pendant le mois d’août 2015, la baisse a été si violente, que les marchés craignaient des conséquences irréversibles sur les pays producteurs de pétrole… Il semble que seule une réaction de l’OPEP pourrait freiner cette baisse du prix – mais la concurrence mortelle entre le pétrole arabe et le gaz de schiste américain continue de pousser ce prix à la baisse.

Nos portefeuilles sont exposés pour profiter de la surperformance des pays consommateurs de pétrole, en particulier la zone euro, par rapport aux pays producteurs de pétrole.

 


Vers une hausse des taux américains ?

Enfin, last but not least, pendant ce temps, presque seul sur la planète, les USA découvrent le plein emploi, avec à peine 5% de chomage; l’économie y est solide, créatrice d’emplois, et peu inflationniste grâce à la baisse du pétrole. Néanmoins, les signes objectifs d’inflation commencent à apparaître, avec la hausse des salaires, et la stabilisation pétrolière. Ainsi, la Banque Centrale américaine (la Fed) va devoir augmenter ses taux d’intérêts peut-être plus rapidement que ne le pense le marché, peut-être dès le 17 septembre prochain.

Ce sera une décison historique, dans la mesure où cela marque la sortie de crise des USA, la normalisation de la politique monétaire, mais aussi parce que cela officialisera l’entrée dans un cycle long de hausse des taux obligataires. Aussi, il est aujourd’hui très dangereux de détenir des obligations américaines (les obligations baissent lorsque les taux montent).

En outre, il est possible que, malgré l’activisme de la BCE, la hausse des taux aux USA pourrait entraîner ceux du reste du monde, notamment en zone euro. Ce serait potentiellement dramatique car la zone euro n’est absolument pas sortie de crise, et que la reprise économique y est si faible que Mario Draghi, lors de sa récente conférence de presse, a évoquer le possible retour du risque déflationniste (en raison du ralentissement chinois), et la possibilité pour la BCE d’augmenter encore ses injections monétaires…

Nos portefeuilles sont organisés pour profiter d’une hausse des taux aux USA, qui pourrait arriver plus rapidement que prévu.

En outre, une telle hausse des taux ne manquera pas de causer des remous tant sur les marchés obligataires mondiaux, que sur les marchés actions (l’apparition d’une nouvelle opportunité d’investissement obligataire suite à la hausse des taux devrait pousser les actions à la baisse).

Ainsi, dans l’ensemble de nos positions de portefeuille, nous privilégions une exposition différentielle, et non directionnelle aux marchés, afin de nous permettre de profiter de la volatilité à venir.

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