La Grèce et le reste du monde

08 février 2012
7 min de lecture
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Nous avons assistés à un très beau rallye de début d’année, en ce mois de janvier 2012 – entre de bonnes surprises sur la croissance mondiale hors zone euro, et l’aiguillon de négociations, dont l’aboutissement est pourtant sans cesse reporté, sur la dette de la Grèce. Entre risque systémique européen et fort relais de croissance dans le reste du monde, les marchés ont choisi de mettre leurs lunettes roses en ce début d’année – profitons de ce beau temps !

USA

Les USA ont en effet été le théâtre de chiffres de croissance dépassant largement le consensus le plus optimiste, sur le quatrième trimestre et en ce début d’année. En particulier, de très bons chiffres mensuels du chômage ont été publiés fin janvier, laissant entendre que la reprise de la croissance américaine est enfin créatrice d’emploi. Cette bonne surprise a porté les indices américains à leur zénith depuis plus de quatre ans.

Pourtant, il est à remarquer que la bonne tenue de la consommation américaine résulte principalement de la baisse du taux d’épargne des ménages américains. Et non, comme le taux de chômage en forte baisse devrait le laisser entendre, d’une hausse du revenu de ces ménages. Les américains épargnent aujourd’hui 3.7% seulement de leurs revenus ! La dernière fois que l’on avait vu un taux d’épargne aussi faible, c’était pendant la grande bulle immobilière qui a précédé la crise de 2008. En outre, la belle croissance américaine résulte d’un effet de rattrapage industriel consécutif au ralentissement dû à la catastrophe de Fukushima.

Dans ces conditions, la croissance américaine pourra-t-elle tenir ce niveau de façon durable ? Nous verrons…

 


Pays émergents

Là où beaucoup d’analystes craignaient un «hard landing», un atterrissage brutal de la croissance des pays émergents (pas nous !), c’est plutôt un atterrissage en douceur qui a lieu, et les émergents maintiendrons cette année, probablement, des niveaux très élevés de croissance (sauf en cas d’aggravation de la crise européenne).

Si l’entrée en récession de la zone euro limite l’activité des pays émergents à l’exportation, la consommation intérieure de ces pays non seulement reste extrêmement forte, mais dispose des meilleures conditions économiques possible pour croître sereinement : la baisse tendancielle de l’inflation, la baisse des taux d’intérêts de ces pays, ainsi que l’appréciation progressive de leur monnaie par rapport à l’euro et au dollar US notamment, stimule cette consommation intérieure sur laquelle compte le monde occidental pour éviter une trop forte récession.

 


Europe

Toujours et de plus en plus le centre mondial des inquiétudes, l’Europe n’a, quant à elle, pas démenti ce statut peu enviable. La Grèce, empêtrée dans une dette de 350 milliards d’euro, incapable de lever ses impôts, et qui confirme la très forte récession de son économie (que l’on attend à -6% du PIB en 2012 !), engage une très importante négociation tripartite, pour éviter la faillite de l’État grec le 20 mars 2012.

Elle négocie, en même temps, 1.) avec les banques européennes, la réduction de 70% de leur dette ; 2.) avec le FMI, la BCE et la commission européenne (dite « Troïka »), un nouveau plan d’aide de 130 milliards d’euros, pour lui permettre de rembourser les 14 milliards d’euros qui arrivent à échéance le 20 mars 2012 ; 3.) avec l’ensemble des représentants de partis (socialistes, droite et extrême droite), l’engagement de mettre en œuvre les mesures préconisées, quel que soit le parti au pouvoir.

Inutile de préciser que ces trois négociations doivent impérativement réussir ensembles…

Malgré l’échec patent des politiques d’austérités imposées par la Troïka jusqu’ici, ce sont de nouvelles et très brutales mesures qui sont exigées par les partenaires européens et internationaux : licenciement très rapide de 15000 fonctionnaires, baisse de 20% du salaire minimum et de l’ensemble des salaires publics et privés, et baisse idoine des retraites versées sur fond d’une grogne sociale qui se fait de plus en plus menaçante.

Presque chaque jour, depuis le 10 janvier 2012, on nous annonce un règlement de ces négociations dans la soirée. Nous verrons ce qui se décide : si le vote devrait être positif et permettre la libération des nouveaux prêts de la Troïka, le mécontentement social devrait aussi rendre inapplicable ces mêmes réformes.

Mais de toute façon, un accord ne ferait malheureusement que repousser l’échéance, à notre sens inévitable, du défaut de paiement de l’État grec, voire une sortie de la zone euro ? – les mesures exigées étant à notre sens condamnées à être inefficaces, voire à ne pouvoir être appliquées. En effet, le problème fondamental de la Grèce est son incapacité à lever des impôts sur les armateurs, sur l’Église orthodoxe, et sur les contribuables.

Pendant ce temps, les chiffres économiques européens confirment l’accroissement des divergences de croissances économiques entre les pays européens : le scénario d’une récession globale européenne ne nous semble toujours pas à exclure, malgré les très fortes disparités de croissance entre les pays de la zone. S’il n’y a aucune lueur d’espoir de reprise économique au Portugal, en Espagne, en Italie naturellement non plus en Grèce nous voyons que la France décroche de plus en plus de son voisin allemand, porté, lui, par le dynamisme de ses exportations, par une certaine reprise de sa consommation intérieure et, fondamentalement, ne l’oublions pas, par une monnaie sous-évaluée pour ce pays (l’euro) ! En France, des chiffres relativement préoccupants, sur le marché immobilier notamment, font craindre un accroissement de ce décrochage, qui rendra de plus en plus difficile le pilotage des politiques de sauvetages de la zone euro.

Néanmoins, les marchés actions européens ont été portés par les bonnes nouvelles américaines, par la sous évaluation chroniques des entreprises européennes, et par les injections de liquidités de la BCE.

 


Mandats patrimoniaux

Nous conservons notre analyse selon laquelle il y a de très belles opportunités, en particulier sur les marchés émergents (qui ont été massacrés l’an passé, ce qui en fait des opportunités) ; nous restons faiblement exposés au marché américain : il est aujourd’hui trop cher; nous continuons notre sous-exposition à l’Europe et à l’euro : l’absence de solution de fond à la crise de la dette européenne nous parait toujours évidente.

Enfin, nous continuons de conserver environ 20% de nos portefeuilles dans des actifs refuges, contre le renouveau du risque systémique mondial – ceci explique que nous progressons légèrement moins que les marchés sur le mois de janvier, mais une prudence fondamentale nous semble toujours nécessaire.

Mandat spécial

Nous n’avons pas encore investi notre mandat spécial no. 1, malgré le caractère positif de l’ensemble de nos indicateurs depuis une dizaine de jours. Le règlement effectif de l’accord grec sera notre signal de la sortie, du moins à court terme, du risque systémique.

Par ailleurs, nous entrerons une nouvelle sicav lorsque nous investirons ce mandat : elle permettra d’investir également sur les obligations des pays émergents, et non plus seulement sur les actions.

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