Si le mois de juin 2012 a été le théâtre de nombreux évènements « cruciaux » pour l’avenir de l’Europe, c’est aujourd’hui la contagion du ralentissement économique européen aux autres zones économiques du monde qui fait question.
Malgré une nouvelle réunion « de la dernière chance » européenne, qui a pu apparaître, un temps, comme promettant de « grandes avancées » européennes, nous avons conservé notre positionnement défensif vis-à-vis de l’euro et de la zone. Nos portefeuilles ont continué de bénéficier de l’appréciation des nouvelles devises « solides » que nous suivons depuis longue date (USD, couronne suédoise, devises émergentes). Nous continuons ainsi de préserver le patrimoine de nos clients des avancées de la crise européenne. Nous constituons également des positions de long terme sur ces pays qui, nous en sommes chaque jour plus convaincus, seront les porteurs de la croissance mondiale du monde en train de se construire.
La pyramide de Ponzi européenne
Début juin, la crise de la dette s’est violemment étendue à l’Espagne et à l’Italie, dont les taux d’emprunts ont dépassés les 7% et les 6% respectivement. L’Espagne a été contrainte de demander l’aide européenne pour le sauvetage de certaines de ses plus importantes banques. Et nos dirigeants européens se sont engagés à prêter jusqu’à 100 milliards d’euro à l’État espagnol, afin que celui-ci puisse sauver ses banques. La rapidité et la taille de ce nouvel engagement européen a été une heureuse surprise (une fois n’est pas coutume).
Pourtant, quelques jours plus tard, la grande pyramide de Ponzi européenne était démasquée : l’État espagnol, incapable d’emprunter sur les marchés, allait s’endetter de 100 milliards d’€ supplémentaires (sic !), pour les reverser à ses banques. Cet endettement supplémentaire empêcherait en effet définitivement l’Espagne d’emprunter sur les marchés. Ce prêt, qui sursaturerait la capacité d’emprunt de l’État espagnol, amènerait également sans doute ce dernier a demander un plan sauvetage général d’ici quelques mois…
En outre, le prêt européen à l’Espagne devait être financé par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) : ce fonds, alimenté par les États européens déjà extrêmement endettés (sic !), doit permettre de sauver les États européens en difficulté. Le MES est le mécanisme permanent de sauvetage des États européen : il devait entrer en fonctionnement le 1er juillet 2012, pour remplacer le FESF, le Fonds Européen de Stabilité Financière, qui, lui, n’est que provisoire. Or l’Espagne, pays déjà à la limite de sa capacité d’emprunt sur les marchés, devait contribuer financièrement au MES afin de pouvoir recevoir l’aide nécessaire au sauvetage de ses banques. La boucle est bouclée.
C’est dans ce cadre qu’a eu lieu le dernier sommet européen, extrêmement attendu, vers la fin de ce mois de juin. Ce sommet a donné lieu à une déclaration commune, plutôt lapidaire (une page), qui a semblé marquer d’importantes avancées. En effet, la grande « décision » a été de réfléchir à permettre au MES de prêter directement aux banques européennes. L’intérêt est en effet le suivant : au lieu de prêter 100 Mds € à l’État espagnol, pour que celui-ci le reverse aux banques, le MES devrait pouvoir prêter (ou investir) directement aux banques. Ceci évitera d’ajouter encore de la dette à des États surendettés, pour qu’ils reversent les fonds à leurs banques en difficulté. C’est une décision de bon sens.
En contrepartie de cette union bancaire européenne, l’Allemagne a exigé que soit créée une supervision bancaire européenne, qui devrait être assuré par la BCE : il s’agit d’éviter de renflouer des banques qui feraient « n’importe quoi » avec l’argent public.
Cette décision a été saluée immédiatement par les marchés, étonnés de voir l’Allemagne accepter que le « fédéralisme européen » avance enfin ! Le CAC 40 a gagné 4.75% dès le lendemain de cette annonce.
Pourtant, dès les jours suivants, les fondements de cet accord se sont peu à peu délités. En particulier, certains juges et députés allemands ont déposés un recours au conseil constitutionnel allemand, arguant à juste titre du caractère anti-constitutionnel du MES. En effet, le MES rend les États solides de l’Europe garant des dettes des États et des banques des autres pays.
Aussi, le MES ne peut être mis en place, tant que la cour de Frankfurt ne l’a pas validé – et sa validation ne nous apparaît absolument pas certaine. La date du 1er juillet pour la mise en fonctionnement du FESF ne peut donc être respectée, et la Cour Constitutionnelle a déclaré vouloir prendre « son temps » pour examiner la question.
En outre, pour pouvoir aider l’Espagne notamment, il est nécessaire de créer d’abord une supervision bancaire européenne. Or, selon les dires contradictoires de certains responsables européens, une telle supervision ne pourra être mise en place avant la fin de l’année 2012 pour les plus optimistes, voire 2013 pour les autres. Autrement dit, le MES et la supervision bancaire arriveront trop tard pour l’Espagne…
En conséquence, ces jours-ci, les réunions européennes se multiplient, dans un silence médiatique qui nous étonnera longtemps, en France en particulier : on parle aujourd’hui de prêter seulement 30 milliards €, directement à l’État espagnol cette fois-ci (avec les conséquences que l’on sait sur les taux d’emprunts espagnols, puisque c’est précisément ce qu’il fallait éviter !) en attendant que le MES et la supervision bancaire puissent être mise en place. Sans compter que l’on se demande encore quels seront les États en mesure d’alimenter le MES, et de supporter les dettes des autres États et des banques des autres pays. Bref.
Élections grecques
En outre, le mois de juin a salué les nouvelles élections législatives grecques, suite auxquelles un gouvernement a enfin pu être formé, affirmant la volonté de la Grèce de rester dans l’euro. Et l’Europe a poussé un grand « Ouf ! » technocratique. Mais du fait du mécontentement populaire croissant (les mesures demandées à la Grèce sont en effet non-seulement extrêmement dures, mais elles ne permettront pas à la Grèce de s’en sortir tant qu’elle ne dispose pas d’une monnaie adaptée à sa faible compétitivité), le nouveau gouvernement avait pour tâche de renégocier les accords sur l’aide européenne. Or, le premier ministre comme le ministre des finances grec, à peine élus, ont été hospitalisés (suite à un décollement rétinien pour le nouveau premier ministre, à un malaise pour le nouveau ministre des finances !), à quelques jours d’intervalles juste avant le sommet européen de fin juin, auquel ils n’ont donc pu participer. Ainsi, la question n’a pu être tranchée lors de ce sommet, elle reportée à plus tard as usual. Des négociations sont en cours en ce moment même.
Pourtant, l’État grec était en cessation de paiement dès la fin du mois de juin, date du sommet européen auquel les représentants grecs ont fait faux bond. Aussi, pour permettre à la Grèce de ne pas faire faillite, une « queue » d’aide déjà promise, pour un montant de 1 milliards d’euro a été versée à la Grèce in extremis. Mais, et c’est la caractéristique du Ponzi à l’européenne, la Grèce a été obligée de reverser immédiatement 475 millions € au FESF pour contribuer au financement de l’aide aux pays en difficulté…
Chypre et la Russie
Enfin, last but not least, l’État du paradis fiscal chypriote, également en risque de faillite, a demandé officiellement l’aide de l’Europe début juin. Or, depuis le 1er juillet, Chypre préside l’Union Européenne pour six mois (présidence tournante). Et, quelques jours après avoir pris cette présidence, le gouvernement chypriote a déclaré que les conditions imposées par l’Europe étaient « inacceptables ». Ce gouvernement a révélé des négociations avancées avec l’État russe, qui accepte de prêter à Chypre ce dont elle a besoin, à des taux nettement plus faibles, et sans exiger de réformes particulières. Chypre, présidente de l’UE, a annoncé préférer travailler avec la Russie qui, au contraire de l’Europe, « est un véritable partenaire ».
Et de l’autre côté, du côté des pays « solides », on frémit à l’idée de se porter garant définitivement des dettes des États européens en difficultés, qui sont de plus en plus gros et de plus en plus nombreux. Certains pays nordiques ont déclarés qu’ils réfléchissaient à quitter la zone euro plutôt que d’avoir à assumer un tel fardeau en contribuant au MES (Finlande, Pays-Bas…).
En résumé, le risque financier demeure très important en zone euro, et la récession s’y installe de plus en plus durement. Depuis l’Antiquité, toutes les monnaies supranationales se sont effondrées. On peut penser qu’au regard des historiens futurs, l’acharnement des politiques européens à conserver cette monnaie contre-nature à n’importe quel prix, alimentera de nombreuses interrogations.
Contagion du ralentissement européen
Ailleurs dans le monde, nous constatons un ralentissement économique presque généralisé : il n’épargne ni les USA, ni la Chine. C’est que le ralentissement européen, ainsi que l’attentisme des investisseurs dû à l’absence de traitement des problèmes de fonds en Europe, contamine ces économies.
Ce ralentissement, nous l’attendions patiemment aux USA notamment, où les plutôt bons chiffres de croissance publiés ces douze derniers mois s’expliquaient plus par une baisse du taux d’épargne des ménages américains, que par une hausse de leurs revenus. Une telle croissance ne pouvait tenir longtemps à ce rythme. Toutefois, tant que le risque systémique européen ne se déclenche pas à nouveau, la croissance américaine devrait tenir aux alentours de 2% cette année – ce qui reste appréciable dans ce contexte mondial.
Par ailleurs, la Chine connaît également un tassement important de sa croissance : la baisse des exportations chinoises vers l’Europe pèse en effet. Les importations sont également en baisse – ceci s’explique d’une part par un ralentissement de croissance de la consommation intérieure (à 7.7% par an au second trimestre 2012), mais aussi par la baisse des prix du pétrole (ce qui est un point positif).
La fin de la planche à billet
Mais ce qui change, cette fois-ci, c’est qu’il semble qu’aucune grande banque centrale ne soit en mesure de procéder aux énormes injections de liquidités dont certaines ont eu l’habitude ces cinq dernières années. La Banque Centrale de Chine a baissé à deux reprises ses taux d’intérêts, au lieu de procéder aux importants plans d’investissements auxquels elle a eu recours en 2008 et 2009. Du côté de la Fed, les craintes liées aux conséquences d’un QE3 font encore hésiter ses gouverneurs. Enfin, en Europe, la remise en cause du pacte budgétaire notamment par la France (même s’il ne sera pas suivi de réalité, probablement), bloque toute action d’importance de la BCE. Nous avions identifiés ce blocage des banques centrales depuis le 30 juin 2011 (voire en particulier notre analyse : Hollande, la Syrie et la Fed): c’est suite à cette analyse que nous avons constitués d’importantes positions en dollars américains, que nous conservons tant que « la planche à billet mondiale » est grippée.
Nos portefeuilles, très fortement exposés aux marchés obligataires mondiaux, restent très adaptés à la situation présente : nous n’avons pas arbitrés depuis le 21 décembre dernier, et conservons l’ensemble de nos positions pour le moment.