Pendant la très riche actualité politique actuelle, les chiffres récents témoignent du renforcement de l’économie, et rendent de plus en plus probable une hausse des taux aux USA en fin d’année. Cette hausse des taux, que nous annonçons depuis plus d’un an, aurait comme conséquence en particulier de remettre en cause les injections monétaires de la BCE. Elle a en outre récemment amené les autorités à voter de nouvelles lois sur l’épargne des ménage en zone euro (supervision bancaire de la BCE et la loi Sapin II).
« Les grandes révolutions viennent à pas de velours », disait le vieux Marx.
Pendant que l’agenda politique nourri du monde développé délivre ses surprises une à une (à moins que ce ne soit quatre par quatre?), les chiffres économiques mondiaux continuent de s’améliorer. La force de la reprise économique, malgré le pessimisme ambiant, rend de plus en plus probable ce qui sera assurément le plus profond changement de régime financier de la décennie au moins : la hausse des taux d’intérêts américains, et le retour d’une inflation modérée, avec ses incalculables conséquences dans le monde. En voici un aperçu.
Un agenda politique extraordinaire
Les élections américaines constituent probablement l’élément le plus important et imminent des nombreuses élections, référendums et autres rendez-vous démocratiques prévus dans les 12 mois qui viennent.
Aux USA, alors que les marchés pariaient sur un élection sans histoire de la démocrate Hillary Clinton, de nouvelles révélations de Wikileaks ont entraîné, particulièrement ce mardi 1er novembre, la réouverture d’une enquête du FBI à son encontre. Or, avant même la réouverture de cette enquête, pour corruption à très haut niveau, les sondages donnaient Trump à moins de 2% derrière Hillary Clinton. Trump est donc allègrement repassé devant les démocrates, à quelques jours des présidentielles.
S’agissant des marchés, nous ne doutons pas, quant à nous, que quel que soit le président élu (Trump ou Clinton), la politique économique qui sera mise en oeuvre sera fortement favorable à l’économie américaine, et pourrait prendre la forme de plans de stimulation économique, d’une façon ou d’une autre.
Par contre, ce qui est plus imprévisible, c’est le risque d’un longue instabilité politique, en cas de score particulièrement serré, et de nécessité de recomptage des voix – ce qui était arrivé déjà à Al Gore contre Bush -, voire de contestation des résultats par certaines parties de la population.
En outre, si Hillary Clinton venait a être élue, les charges qui semblent peser contre elle sont si lourdes, et les enquêtes du FBI en cours si compromettantes, qu’il y a des chances qu’elle puisse être destituée dans l’année qui vient, occasionnant ainsi une instabilité politique importante, potentiellement durable.
L’entrée dans une période d’incertitude politique est donc un risque que nous prenons en compte dans nos portefeuilles. L’indice VIX, qui mesure l’inquiétude des investisseurs, est passé 15,25 cette semaine, contre 14 la semaine passée.
De solides chiffres de croissance économique
Mais comme souvent, en économie, un train peut en cacher un autre.
Reléguant au rang de rêverie imaginaire le risque de retour en récession des USA, que tant de gérants de portefeuilles annonçaient en début d’année (Carmignac en tête), comme celui d’un bis repetita de la crise de 2008 suite à la baisse des prix du pétrole, en début d’année également, les chiffres économiques montrent au contraire une amélioration permanente et sensible de l’économie dans les pays développés, et aux USA en premier lieu.
Le PIB US a progressé de…2,9% sur l’année, poursuivant sa hausse de 1,4% au trimestre dernier. La première économie mondiale a une croissance de pays émergent… En outre, les indices PMI de la zone euro ont également surpris à la hausse ces derniers jours, montrant une économie européenne qui, très timidement et en retard sur toutes les autres zones économiques, se reprend doucement. Notre scénario, donc, du transfert de richesse des pays producteurs de pétrole vers les pays consommateurs de pétrole se confirme lentement, mais fermement.
Une hausse de taux plus probable que jamais
L’ensemble de ces chiffres positifs rend de plus en plus probable une seconde hausse des taux directeurs de la Banque Centrale américaine (Fed) en décembre 2016. Retardée maintes et maintes fois cette année, par la difficulté de lire les chiffres de l’inflation aux USA, la probabilité qu’une hausse des taux ait lieu en décembre nous paraît particulièrement forte.
Ainsi, le grand mythe, soutenu par de nombreux économistes et chercheurs américains et universitaires européens, de la « stagnation séculaire » devrait bientôt voler en éclat… L’inflation est en train de revenir au USA, les taux vont devoir monter pour éviter tout emballement inflationniste.
Une situation inédite
Toutefois, la confirmation de l’entrée dans un cycle de hausse des taux sera un évènement d’une importance extrême pour tous les marchés, et sans doute, pour la finance mondiale.
C’est que l’asynchronie historique des économies devrait rendre la hausse des taux particulièrement périlleuse : en effet, seule l’économie américaine, dans le monde, est en pleine croissance; seule l’économie américaine a besoin d’une hausse des taux; seule l’économie américaine est en mesure de la supporter.
C’est en effet une situation inédite ! Les USA sont en milieu de cycle de croissance; la zone euro, telle Vladimir et Estragon attendant Godot dans la pièce de Beckett, n’en finit pas d’attendre l’entrée dans un nouveau cycle de croissance économique, et a besoin de maintenir ses taux à 0%, voire négatifs, encore très longtemps – la zone euro est donc au mieux, au début d’un cycle économique; enfin, les pays émergents sont plutôt en fin de cycle économique, et pourraient baisser leur taux progressivement pour provoquer l’entrée dans le prochain cycle.
Jamais dans l’histoire, on a connu une telle asynchronie des différents continents économiques.
Or, historiquement, une hausse des taux américains entraîne les taux du reste du monde. Mais aujourd’hui, seule l’économie américaine est en mesure de la supporter.
Conséquence de la hausse des taux : le retour de l’inflation pourrait mettre la BCE en grande difficulté
Il est donc absolument vital pour la BCE, de réussir à empêcher que les taux européens ne montent, entrainés par leurs homologues américains. Mario Draghi, président de la BCE, veille ainsi à s’assoir lourdement sur les taux européens, pour qu’ils ne remontent pas. Il injecte depuis plusieurs mois 80 milliards d’euros par mois dans les marchés obligataires, pour maintenir ces taux au plancher. Ce qui est historique. Il pourrait aller plus loin.
Pourtant, si l’inflation était de retour, elle pourrait mettre en grande difficulté la banque centrale européenne.
C’est que, comme chacun sait, la BCE est la seule banque centrale au monde qui n’a pas le droit d’intervenir pour soutenir la croissance ; son seul objectif statutaire est d’empêcher une trop forte inflation en zone euro. La BCE est ainsi, grâce à Maastricht, comme une voiture sur laquelle il n’y aurait qu’une pédale de frein, et pas de pédale d’accélérateur. Et sur une route qui n’est même plus en pente.
Comment donc Mario Draghi, président de la BCE, a-t-il pu justifier, face à l’Alemagne, sa décision d’injecter 80 milliards d’euro par mois dans l’économie européenne, s’il n’a pas le droit de soutenir la croissance en zone euro ?
Statutairement, une seule chose est claire dans Maastricht : la BCE ne doit pas laisser l’inflation dépasser 2%. Or, le fin sophiste Mario Draghi a « tordu » il y a quelques années, l’interprétation de la limite maximale d’inflation tolérable en zone euro, de 2%, en en faisant un objectif d’inflation : pour lui, l’inflation en zone euro doit être certes inférieure, mais proche de 2%. Or, comme la zone euro présentait un risque réel de déflation, Mario Draghi a pu agir, et tordre le bras de l’Allemagne en injectant ces 80 milliards d’euros par mois, entre autres mesures non-conventionnelles (TLTRO, taux négatifs, etc…). C’est donc bien le risque de déflation qui permet à la BCE ses injections monétaires.
Mais que se passerait-il, si, comme c’est en train d’arriver lentement mais sûrement, l’inflation réapparaissait en zone euro ? Et même si l’inflation réapparaissait seulement en Allemagne – tel que c’est prévisible, étant donné le déséquilibre structurel créé par l’euro en Europe ?
Si l’inflation revenait, Mario Draghi serait alors contraint de cesser immédiatement ses injections monétaires, dont pourtant la zone euro (hors Allemagne) a encore grand besoin…
Or, l’inflation revient. Et, pas plus tard que début novembre 2016, les Sages allemands recommandent une réduction immédiate des injections monétaires de la BCE, « avant mars 2017 ». Comme un avertissement.
Une telle cessation d’activité de la BCE, couplée à un retour de l’inflation et une hausse des taux aux USA, pousserait fortement les taux des obligations européennes à la hausse. La « super-nova » obligataire annoncée par Bill Gross, l’un des principaux gérants obligataires américain, pourrait commencer de se matérialiser.
Nous rappelons que dans nos portefeuilles nous ne détenons plus d’obligations, et certainement pas d’obligations à taux négatifs.
Seconde conséquence : les nouveaux risques pour les épargnants
Une seconde conséquence importante d’une hausse des taux est la fragilisation directe des bilans des banques et des compagnies d’assurances, en particulier en zone euro. Presque exsangues après une longue période de taux négatifs, debout grâce aux injections de la BCE, les banques de la zone euro verraient leurs fonds propres réduits directement par une hausse des taux.
On ne peut donc pas s’étonner de la conjonction des décisions concernant l’épargnant sur l’année 2016 :
Le 1er janvier 2016, la loi européenne de supervision bancaire a été déclinée en droit français : selon cette loi, en cas de faillite de banque, les dépôts des épargnants au-delà de 100 000 euros pourraient être saisis pour renflouer la banque. Et on a vu, en juillet 2016, la premiere crise bancaire depuis cette loi, en Italie : Matteo Renzi aurait dû ordonner la saisie des dépôts des épargnants sur ses banques en faillite (à commencer par la banque Monte Paschi). En pleine crise bancaire, une telle mesure aurait immédiatement déclenché un Bank Run irrémédiable. Et Matteo Renzi a supplié l’Europe de le laisser sauver ces banques avec…l’argent de l’Etat (!), sans appliquer cette loi de supervision bancaire européenne, fraîchement votée. Peu après, le même problème se posait à l’Allemagne, avec Deutsche Bank. Quand le remède est pire que le mal…
Puis, non dissuadé par cette expérience italienne, le 14 juillet 2016, la loi Sapin II, votée en France devant un hémicylce vide pour cause de fête nationale, annonçait que l’Etat pouvait, en cas de secousse sur le marché obligataire, interdire aux épargnants de récupérer leur argent sur les contrats d’assurances de droit français, en particulier ceux sur lesquels il y a des fonds en euros.
Épargner sous la loi Sapin II
Nous reviendrons dans une communication séparée sur ces deux conséquences pour les épargnants.
Sachez toutefois que les solutions d’épargne proposées par Brochard Finance intègrent ces risques depuis fort longtemps : nous ne travaillons en effet qu’en assurance vie luxembourgeoise (Skandia), dont les encours sont garantis sans limite de montant par le Grand Duche du Luxembourg, et nos assurances ne sont pas soumises à la loi Sapin 2.
En outre, au sein de nos portefeuilles, nous ne détenons pas de fonds en euros (nous avons avertis de ces risques depuis 2012), ni d’obligations de façon directionnelle. Nous ne serons pas concernés par la hausse des taux.
Le corrélat de nos convictions est d’accepter une volatilité temporairement plus élevées sur nos portefeuilles, comme nous l’acceptons depuis le début de l’année déjà.
Par ailleurs, nous sommes en train de mettre en place des solutions de placements, y compris pour les entreprises, permettant de placer des fonds dans des banques françaises, suisse, ou luxembourgeoise, pour diversifier les réglementations et avoir accès à des institutions particulièrement solides et choisies.