Une nouvelle année commence. C’est un moment rituel pour prendre un peu de distance, faire le bilan de l’année passée, et clarifier nos analyses pour prendre des positions pour l’année commençante.
2011, l’évènement de l’année : le QE2 et la fin du QE2
Des révolutions arabes à Fukushima, en passant par la perte du triple A de l’Etat américain et à l’aggravation de la crise européenne, l’année 2011 a été une année pleine de surprises. Bien qu’in fine, nous surperformions nettement les marchés mondiaux, nous avons accumulé, cette année durant, un léger retard de performance en absolu. Nous sommes néanmoins confiants sur notre capacité à le rattraper. Voici donc le bilan que nous faisons des évènements et de notre gestion pendant l’année 2011. Nous distinguerons le premier semestre du second (car ils ont été comme les deux faces opposées d’un même miroir).
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Le premier semestre 2011 : les surprises du «QE2»
Au début de l’année 2011 (cf. Perspectives 2011), nous annoncions un risque fortement aggravé sur les dettes d’Etats des pays européens, malgré les «mesures» prises; et, en effet, la crise européenne s’est avéré la plus grave de son histoire, mettant en risque les fondements même de la monnaie européenne. Nous nous attendions donc à une importante baisse de l’euro par rapports aux autres devises, et au dollar notamment. Pourtant, après une hausse de plus de 10% à la fin de premier semestre (!), l’euro a terminé l’année avec un petit -3% seulement par rapport au dollar!
En outre, nous annoncions début 2011, une forte croissance émergente, et en effet, l’économie chinoise a affiché une croissance de 9% du PIB alors que pour l’Europe, un ralentissement potentiellement récessif se profilait. Nous nous attendions donc à une nette surperformance des actions chinoises par rapports aux indices européens… Mais c’est l’inverse qui s’est produit!
Enfin, nous annoncions que les matières premières, restait structurellement haussières du fait de la nouvelle consommation émergente. Et, en effet, le pétrole a gagné près de 14%, l’or près de 9%. Nous nous attendions donc à une sur-performance sur les secteurs des services pétroliers et des mines d’or. Mais ces titres ont baissés respectivement de 12% et 8.5% sur l’année 2011 !
Hum…
Rétrospectivement, il est très étonnant de voir combien la quasi-totalité des très importants évènements de 2011, et jusqu’aux révolutions arabes, sont la conséquence directe d’une seule et même chose, qui porte le nom étrange de «QE2». En effet, pendant le premier semestre 2011, la Banque Centrale américain a inondé le monde de dollars US, par une opération, inédite, qui a nom QE2 (Quantitative Easing 2). Elle «imprimait» 105 milliards de dollars US par mois. Et ces actifs se sont déversés sur les actifs qui avaient le plus baissé, ou qui permettait de se couvrir contre la baisse attendue du dollar, à savoir:
l’euro et les banques européennes (qui gagnaient, souvenez-vous, 15 à 20% dès la fin du mois de janvier 2011, alors même qu’elles étaient déjà en quasi-faillite potentielle);
l’or et les matières premières, qui ont très fortement monté au premier semestre: les capitaux cherchaient à se protéger de la baisse du dollar, du fait cette forte impression monétaire (QE2);
ces dollars se sont également déversés en masse sur les placements monétaires des marchés émergents, en provoquant une forte hausse des pressions inflationnistes dans ces pays. En conséquence de quoi, les titres émergents ont fortement corrigés, surtout au premier semestre.
Les autres conséquences de cette «impression massive» de dollar, ont été nombreuses: en particulier, la hausse des matières premières et agricoles ont créé les conditions pour le déclenchement des Révolutions Arabes. Ce n’est pas peu! Et cette hausse des matières premières a augmenté les coûts des entreprises, et a mis les pays développés au bord de la récession.
La catastrophe de Fukushima, outre ses terribles (et encore à venir!) conséquences humaines, a encore accru les pressions récessives sur l’économie mondiale à la fin du second trimestre…
Il est étonnant de voir que l’évènement nodal de cette très riche année 2011 est une décision quelque peu «expérimentale» du patron de la banque centrale américaine, Ben Bernanke celle d’imprimer en masse du dollar sur le premier semestre 2011.
Notre portefeuille était malheureusement fortement exposé aux devises non-européennes. Pour bien comprendre: si vous achetez des titres en Réal brésiliens, par exemple, même si ces titres réalisent 6% de plus-value, mais que, pendant le même temps, l’euro gagne 12% par rapport au réal, votre performance, mesurée en euro, est de -6%. C’est de ce phénomène que nous avons souffert au premier semestre l’année passée. À la fin du premier semestre, les seules places financières au monde, qui ont été en hausse, mesurée en euro, ont été les bourses de Moscou et de Taipei (où nous étions investis, d’ailleurs) !
Dans notre gestion, au courant de ce premier semestre, donc, nous n’avons pas voulu «suivre» ces mouvements de marchés, en achetant des banques européennes par exemple, parce qu’il ne correspondait pas aux fondamentaux, et présentait de fort risques de retournement brutal. Nous nous sommes néanmoins «tactiquement» réexposés sensiblement à l’euro, à des actions défensives européennes, et avons, pour la première fois, eu recours a des sociétés de gestion en long/short sur les actions européennes c’est-à-dire des sociétés de gestion qui, en même temps qu’elles investissent sur une action d’un secteur, sécurisent leur investissement en jouant la baisse d’une autre action du même secteur. De la sorte, ces gestions nous ont permis de nous exposer aux actions européennes, sans prendre le risque de marché le temps que la réalité reprenne le pas!
Cette réexposition tactique à l’euro nous a permis d’amortir assez nettement la contreperformance des marchés non-européens au premier semestre. Pour la mesurer, les marchés émergents, par exemple, ont réalisés baissés au premier semestre d’environ 20% en moyenne, dans leurs devises locales. Si on ajoute à cela, une hausse de l’euro d’environ 10% contre ces monnaies (et le dollar US), la contre-performance de ces marchés, mesurée en euro, eût été proche de -30% en moyenne. Notre réexposition tactique à l’euro nous a permis de limiter sensiblement ces contre-performances à -8% en profil prudent, jusqu’à -11% en dynamique.
Mais, encore une fois, ces mouvements de marchés ne correspondent pas à la réalité économique des pays émergents notamment, mais à une décision «inédite» de la banque centrale américaine, liée à la crise des banques américaines, et dont les conséquences furent imprévisibles. Nous avons néanmoins analysés, tout au long de ce premier semestre les flux issus d’une telle impression monétaire, pour nous permettre de nous positionner mieux et plus rapidement si un tel évènement se reproduisait.
Mais ce n’est pas pour tout de suite…
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Le second semestre 2011 : la fin du QE2 et le retour à la réalité
Le second semestre a été d’un tout autre acabit: à la date du 30 juin 2011 exactement, le QE2 (c’est le doux nom du plan d’impression monétaire de la Fed) a pris fin.
Et, dès la mi-juillet, (en date du 15 juillet exactement), nous sommes sortis presque totalement de notre exposition à l’euro, pour nous investir sur les devises émergentes et le dollar de façon quasiment exclusive. En outre, face au ralentissement économique, conséquence directe du QE2, et que l’on commençait à peine à pressentir en juillet 2011, nous avons réduit très fortement notre exposition aux actions. Nous avons donc achetés en grande quantité des obligations émergentes (la fin du QE2 laissant entrevoir la fin du cycle inflationniste dans ces pays), des obligations américaines en USD – pendant que notre exposition aux actions émergentes a été extrêmement mesurée et réactive.
Pour information, nous avions 85% d’exposition à des obligations hors zone euro en profil dynamique, depuis cette date. Pour nous, la fin du QE2 marquait le retour à la réalité économique. Nous avons pris acte, en outre, du ralentissement économique mondial, et des risques qu’il faisait peser sur les finances publiques et les banques des pays développés.
Et dès la fin du mois de juillet, nous avons vu la crise revenir très en force dans les pays développés: la perte du triple A de l’Etat américain, au début du mois d’août, en atteste (c’est historique!), tout comme le fait qu’en une quinzaine de jours en août, les banques européennes se sont vues refuser l’accès aux marchés monétaires américains (c’est toujours le cas aujourd’hui!), pendant que les principales banques asiatiques coupaient les crédits à la presque totalité des banques européennes (y compris françaises). En effet, l’aggravation de la crise des dettes européennes, dont la contagion à l’Italie fait craindre le pire, met très à mal les bilans des banques européennes. Aussi, le marché interbancaire s’est-il bloqué complètement: aucune banque ne prêtant à aucune autre banque de la zone euro, de peur que la faillite de leur consoeur ne leur permette d’être remboursée. Ce marché interbancaire est toujours gelé, et même plus que jamais (c’est-à-dire plus qu’à la fin de l’année 2008, avant la faillite de Lehmann Brother), à l’heure où nous écrivons ces lignes.
Bref, les marchés actions européens ont entamés, dès la deuxième quinzaine de juillet, une chute vertigineuse de près de 25% jusqu’à la fin du mois de septembre, les banques européennes ont perdues jusqu’à plus de 50% de leur capitalisation boursière en une quinzaine de jours, etc… Et l »euro a repris le chemin de la baisse, vis-à-vis des autres devises… Retour à la réalité!
Notre réexposition, dès la mi-juillet, aux devises solides du nouveau monde dans lequel nous entrons, nous a permis non seulement d’échapper complètement à cette très forte chute conjointe de TOUS les actifs européens, américains, et japonais, et même, de réaliser une performance légèrement positive, en préservant le capital de nos clients.
Conclusion 2011
Conformément à nos principes de gestion, si notre approche fondamentale nous a coûtés quelques points de performances durant le premier semestre 2011, elle nous a permis de ne pas subir la forte corrections des marchés mondiaux au second semestre. Nous investissons en effet à moyen terme en choisissant les secteurs en fonction de leur valeur fondamentale, car, si à court terme la valeur des actifs est imprévisible, à moyen terme, elle rejoint toujours la réalité économique, comme l’a montré le second semestre 2011, et comme le montrera également sans doute l’année 2012.
Perspectives 2012
Une gestion des risques réactive, pour de solides moteurs de performances
D’ordinaire, le début d’année est le moment que choisissent les gérants pour réallouer leur portefeuille: les performances de l’année passée étant définitivement derrière eux. Pour nous, nous avons légèrement anticipé cette réallocation de portefeuille dans nos mandats patrimoniaux et notre mandat conservateur. Nous avons en effet réalisé un important arbitrage en date du 20 décembre 2011.
Face à l’accroissement du risque systémique dû à la crise européenne, qui devrait entrer dans une phase cruciale à la fin du premier trimestre 2012 (l’Italie doit emprunter 150 milliards d’euros en février et mars alors que les marchés lui demandent 7% de taux d’intérêts), nous avons diminué très fortement encore notre exposition à l’euro et au francs suisse, diminué légèrement notre exposition aux devises émergentes, accru sensiblement notre exposition au dollar US (qui a remplacé l’or dans le rôle de défense ultime contre le risque de crise financière systémique, depuis que la planche à billet en dollar ne fonctionne plus), ainsi qu’aux obligations en couronne suédoises.
La très faible valorisation des actions émergentes, suite aux évènements de l’année 2011, ainsi que le potentiel de leurs obligations, suite à l’arrêt progressif des politiques monétaires restrictives dans ces pays, nous permet en effet de disposer de très sérieux moteurs de performances pour cette année 2012, avec une bonne gestion des risques.
Enfin, des chiffres plutôt bons ne cessent de nous parvenir sur la reprise de la fragile croissance américaine – ce qui contribue en outre au renforcement de l’USD. Ces bons chiffres annoncent-ils un vrai retour de la croissance, ou seulement un rattrapage suite au ralentissement constaté au premier semestre? Nous verrons, mais ne boudons pas notre plaisir en attendant!
Entre recherche de performance à moyen terme, et gestion des risques européens, nous attaquons l’année 2012 avec passion, et armés d’importants moteurs de performances.