Article de Christophe Brochard, le fondateur de Groupe Quinze publié par Xinhua News, le 25 octobre 2017.
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PARIS, 25 octobre (Xinhua) — Les nouvelles mesures anti-dumping voulues par l’Union européenne (UE) visent la Chine et répondent « avant tout à des considérations politiques », estime dans un entretien accordé à Xinhua l’économiste français Christophe Brochard, chargé de cours en Master de gestion de patrimoine à l’Université de Strasbourg.
Il s’étonne notamment d’une certaine « incohérence » de la part de Bruxelles qui cherche, dans le même temps, à relancer l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
Un accord, conclu début octobre entre l’équipe de négociation du Parlement européen et les ministres de l’Union européenne (UE) dans le but de renforcer la législation européenne de défense commerciale et de cibler les « importantes distorsions de marché », sera soumis à un vote au Parlement européen lors de la session plénière de novembre à Strasbourg. Si elle ne cite pas nommément la Chine, cette refonte de la législation anti-dumping la vise pourtant clairement, s’accordent à dire les experts.
Selon Christophe Brochard, si ces mesures peuvent sembler « normales, d’un point de vue économique », elles restent « illogiques » et reflètent une certaine « incohérence de l’UE en la matière ». « Elles répondent moins à un enjeu économique qu’à des considérations politiques », juge-t-il.
« Les barrières douanières, qu’elles soient financières ou réglementaires, sont, avec le niveau de la devise, les instruments de l’équilibre des balances commerciales des pays et des balances de comptes courants. Tous les pays du monde en font usage. Si un pays exporte trop vers un autre, la mise en place de ces barrières permet de protéger l’économie locale », rappelle-t-il.
« Si l’on agit face à la Chine, pourquoi n’agit-on pas face à l’Allemagne? », s’interroge-t-il, alors que « depuis 2016, l’Allemagne est devenu le premier exportateur mondial, en volume, devant la Chine » et que « son excédent courant dépassant 8% du PIB annuel menace la stabilité économique de la zone euro ».
« Si l’objectif de Bruxelles est économique, on peut s’étonner que le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker cherche, dans le même temps, à remettre sur les rails l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis (premier partenaire commercial de l’UE) que Donald Trump vient d’enterrer », poursuit Christophe Brochard.
« Les nouvelles mesures anti-dumping spécialement orientées contre la Chine sont à comprendre dans un contexte plus large, en les rapprochant notamment de l’embargo européen contre la Russie, et des mouvements de troupes de l’OTAN en Europe de l’Est, mais aussi de l’expansion de l’utilisation du yuan comme monnaie de réserve en lieu et place du dollar dans les banques centrales des alliés de la Chine », affirme l’économiste.
« Les sanctions imposées par l’UE à la Russie (deuxième partenaire économique de l’UE) viennent d’être prolongées jusqu’en 2018. Si on prend l’exemple de l’agriculture, depuis l’embargo décrété en 2014, les pays de l’UE ont perdu un marché important, les cours se sont écroulés, de nouveaux concurrents sont apparus… Cela représente un coût considérable et un handicap durable pour les agriculteurs européens », souligne-t-il.