Volatilité, le retour

Les marchés actions ont été marqués par une très forte volatilité au mois d’août 2024, plus marquée aux Etats-Unis, avec une variation de 13% pour le Nasdaq et de quasi 10% pour le Stoxx600 entre le plus haut et le plus bas du mois.

 

1- Macro-économie

La volatilité mesurée par le VIX a affiché son plus haut niveau depuis mars 2020 à 65 le 5 août, ce qui traduit une sorte de mini krach sur les indices. Le contexte de cette crise d’août était posé depuis plusieurs semaines. En premier lieu, un besoin correctif après un parcours boursier spectaculaire du Nasdaq et des valeurs technologiques liées à l’IA au 1 er semestre (S1-24), des résultats T2 mitigés en particulier en Europe et une baisse brutale des créations d’emplois US au mois de juillet. Le deuxième point concerne le déclencheur de cette forte correction liée à l’intervention de la Banque Centrale du Japon (BoJ) qui a augmenté ses taux de 25 bp (points de base) avec un discours restrictif, ce qui a entraîné une hausse du Yen de 10% et mis fin au « carry trade » (emprunts en Yen à taux faibles pour investir sur des actifs plus risqués et plus rémunérateurs notamment aux Etats-Unis) entraînant la liquidation massive d’actifs.

Néanmoins les indices ont terminé le mois en hausse de +2.3% pour le S&P500, de +1.6% pour le STOXX600 et +1.1% pour le Nasdaq. Ce fort rebond a été facilité par la baisse des données d’inflation (CPI et PPI, respectivement indices des prix à la consommation et à la production), la forte croissance du PIB au T2 et des indicateurs économiques avancés encore favorables (ISM des services supérieurs aux attentes).

De plus, à l’occasion du séminaire annuel de la FED à Jackson Hole, J. Powell a confirmé que le temps était venu de baisser les taux directeurs, ce qui implique une très probable baisse de taux lors de la prochaine réunion de la FED du 17-18 septembre. La FED n’a pas précisé la magnitude de cette baisse de taux (25 ou 50 points de base) qui dépendra des données de l’emploi mensuel d’août, publiées début septembre, selon qu’elles viennent confirmer ou non une détérioration.

En parallèle, les marchés obligataires ont enregistré une forte hausse aux Etats-Unis avec un rendement à 10 ans US revenu autour de 3.8 % grâce aux chiffres de l’inflation meilleurs que prévu, aux moindres créations d’emplois en juillet et à la hausse du taux de chômage de 4.1% à 4.3%. L’inflation a également continué de baisser en Europe, surtout en Allemagne et le rendement des obligations d’Etat à 10 ans allemand est revenu à 2.20%.

Le rendement de l’OAT française est depuis revenu légèrement sous les 3% mais le spread (écart) avec l’Allemagne est resté constant à 70 bp, encore nettement supérieur à la normale (50 bp) compte tenu des incertitudes économiques et politiques en France.

Les obligations d’Etat et d’entreprises américaines et européennes ont progressé au mois d’août, à la faveur de la politique monétaire plus accommodante qui est en train de se mettre en place sur les deux zones. Le compartiment des obligations à haut rendement US a encore progressé également au mois d’août ce qui n’est pas cohérent avec une récession imminente. La courbe des taux est sur le point de se re-inverser aux Etats-Unis (croisement du taux 2 ans sous le taux 10 ans) mouvement qui, en revanche, annonce historiquement une récession.

Le niveau des taux courts (1 an et 2 ans) suggère une baisse des taux directeurs d’environ 150 bp qui correspond à un scénario de ralentissement significatif de l’économie américaine. Le mois d’août aura été le point de bascule des marchés entre craintes de poursuite ou de reprise de l’inflation et craintes d’un fort ralentissement économique voire d’entrée en récession.

Les PMI (indicateurs d’activité économique) manufacturiers se dégradent en Europe, aux Etats-Unis et en Chine. Cependant les PMI des services au titre du mois de juillet sont ressortis supérieurs aux attentes en Europe (effet JO Paris 2024 ?) et aux Etats-Unis, ce qui explique la résilience des économies occidentales dont les PIB dépendent principalement des services. La productivité reste également très élevée aux Etats-Unis, contrairement à l’Europe, ce qui pourrait permettre aux entreprises américaines de mieux absorber une baisse de croissance au cours des prochains trimestres. Cependant la variable clé pour la politique monétaire demeure l’emploi, notamment le taux de chômage, l’augmentation des salaires et les créations d’emplois non manufacturiers.

La hausse des indice US est désormais plus équilibrée et plus diversifiée à l’image de S&P500 équipondéré qui a de nouveau surperformé l’indice S&P500 « normal » (prise en compte du poids de la capitalisation boursière dans l’indice « normal » à l’inverse du S&P500 équipondéré) au cours du mois d’août (+2.5%).

La correction sur les grandes valeurs technologiques, en particulier Semiconducteurs et thématique IA, se produit après une forte hausse au S1-24 et des résultats de Nvidia solides mais avec quelques zones d’ombre sur le timing de sa puce de nouvelle génération, Blackwell.

Les secteurs défensifs comblent leur retard et sont recherchés pour leur caractéristiques « value » (dividendes importants et décote par rapport au marché), mais également par rapport à un scénario de récession dont la probabilité augmente avec la dégradation du marché de l’emploi US et la chute de l’inflation.

 

2- Les marchés par grandes régions

La tendance reste haussière à moyen/long terme sur les Etats-Unis, le Japon et l’Europe. Le cœur de la crise du mois d’août s’est néanmoins produit au Japon et l’indice apparait affaibli par la hausse du Yen suite aux actions de la banque centrale japonaise.

Au Japon, l’indice Nikkei225 a enregistré la plus forte amplitude au mois d’août avec 27% entre le plus haut et le plus bas mais a terminé en hausse de +0.8%. Cependant la crise pourrait laisser des traces, la hausse du Yen devrait peser sur les exportateurs à court terme tandis que la BoJ a perdu une partie de sa crédibilité, le mouvement brutal de hausse des taux venant à contre-courant des actions des banques centrales dans le monde. De plus, la fin du « carry trade » prive le marché japonais de liquidités importantes.

En Europe, l’affaiblissement de l’économie et les incertitudes politiques sont compensées par la politique monétaire avec la quasi-certitude d’une nouvelle baisse de taux en septembre, après des PMI en berne, les difficultés croissantes de l’industrie allemande, l’instabilité politique et économique en France et la chute de l’inflation. A noter la forte hausse de l’Euro qui va peser sur la compétitivité des valeurs exportatrices (aéronautique, pharmacie, industrie,…) mais qui facilite la décision d’assouplissement monétaire.

En ce qui concerne les pays émergents, la Chine a progressé de +3.5% au mois d’août mais reste en tendance baissière selon notre système d’aide à la décision (signal Vente moyen terme en mai 2021). Des rebonds sporadiques sont alimentés par des rumeurs de plans de relance, tandis que l’activité manufacturière continue de s’affaiblir. La faiblesse de la Chine impacte (très) négativement les secteurs du Luxe, de l’Automobile et des Boissons.

 

3- Secteurs et thématiques

Les grandes thématiques porteuses au premier semestre comme l’IA ont fortement corrigé depuis le début de l’été et sont loin des plus hauts enregistrés au mois de juillet.

D’autres thématiques de long terme ont repris du momentum, comme la Défense, en Europe et aux Etats-Unis.

Les valeurs de Services aux collectivités et d’Energies renouvelables ont également nettement progressé des deux côtés de l’Atlantique grâce à (a) la chute des rendements obligataires et (b) la campagne des élections présidentielles américaines qui a pris un nouveau virage après la nomination de K. Harris pour le parti démocrate (pour mémoire, l’élection de J. Biden en novembre 2020 avait entrainé une forte progression de l’ensemble des valeurs Technologies / Energies renouvelables avant une très nette correction de ces deux secteurs suite à la hausse des taux en 2022 pour juguler l’inflation).

Les valeurs moyennes, qui avaient commencé un rattrapage au mois de juillet, ont été fortement impactées par la crise de début août et les craintes de ralentissement économique mais le Russell2000 (indice des valeurs moyennes aux US) n’a pas invalidé son retournement haussier pour l’instant.

 

4- Autres classes d’actifs

Concernant les différentes classes d’actifs, nous continuons de privilégier les actions US et européennes, l’or et maintenant les obligations US et européennes.

Les obligations d’Etat se redressent en particulier aux Etats-Unis sur les maturités courtes.

C’est le cas également des obligations d’entreprises qui offrent des rendements attractifs qui peuvent justifier une détention, y compris les valeurs à hautrendement qui sont en tendance haussière. Cependant ce compartiment est particulièrement exposé au ralentissement économique, ce qui comporte un risque de volatilité voire de retournement dans le contexte actuel.

Les marchés actions demeurent haussiers en tendance moyen/long terme mais plus irréguliers. Ils sont entrés dans une phase plus volatile, avec une rotation des grandes valeurs de croissance vers les valeurs Immobilières et défensives (Télécoms, Santé, Services aux Collectivités, Distribution alimentaire) qui a pris de l’ampleur.

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