Ce que vous avez toujours voulu savoir sur les barrières douanières de Trump sans oser le demander

09 avril 2025
15 min de lecture

Le 3 avril 2025, Donald Trump a annoncé la mise en place de barrières douanières sur l’ensemble des importations américaines, provoquant de très forts mouvements de marchés: une recomposition du commerce mondial est en cours. Mais que se passe-t-il vraiment ?

1. Les faits :

Février 2025 : L’annonce initiale et les premiers tarifs

En février 2025, peu après son investiture le 20 janvier (suite à une victoire électorale en novembre 2024), Donald Trump dévoile les grandes lignes de son ambitieuse politique commerciale protectionniste, fidèle à ses promesses de campagne. Ce moment marque le début officiel de la mise en œuvre de son programme économique, centré sur le slogan « America First 2.0 ».

  • Contexte : Lors d’un discours télévisé le 10 février depuis la Maison Blanche, Trump annonce l’introduction progressive de tarifs douaniers visant à « ramener les emplois aux États-Unis et punir les pays qui exploitent notre économie ». Il s’appuie sur une rhétorique populiste, dénonçant les déficits commerciaux avec la Chine, l’Union européenne et d’autres partenaires. Cette première phase est présentée comme une « mise en garde » avant des mesures plus sévères.

  • Détails des tarifs : À partir du 15 février, des droits de douane de 10 % sont appliqués sur une sélection initiale de produits importés, notamment les biens de consommation courante (électronique grand public, textiles) en provenance de Chine et du Mexique, ainsi que certaines matières premières (acier et aluminium) de l’UE et du Canada. Une surtaxe spécifique de 25 % est imposée sur les véhicules importés d’Europe, ciblant des constructeurs comme Volkswagen et BMW. Ces mesures, bien que limitées par rapport à ce qui suivra, visent à tester la réaction des marchés et des partenaires commerciaux.

  • Réactions immédiates :
    • Marchés : Les indices boursiers réagissent avec nervosité mais sans panique généralisée. Le S&P 500 recule de 1,5 % le 11 février, le Nasdaq de 2 %, et le Dow Jones reste quasi stable. Les valeurs automobiles européennes (ex. Stellantis -3 %, Daimler -4 %) et technologiques chinoises cotées aux États-Unis subissent des pertes notables.
    • International : La Chine promet des « contre-mesures proportionnées » mais reste prudente, tandis que l’UE convoque une réunion d’urgence à Bruxelles. Le Canada et le Mexique, liés par l’ACEUM, protestent officiellement, menaçant de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
    • Aux États-Unis : Les entreprises comme Walmart et Tesla alertent sur une hausse des prix pour les consommateurs, mais les soutiens de Trump, notamment dans les États industriels du Midwest, saluent une « victoire pour les travailleurs américains ».
  • Signification : Cette première vague de tarifs est perçue comme un coup d’envoi stratégique, visant à préparer le terrain pour des mesures plus radicales tout en évaluant la résilience de l’économie américaine et la tolérance politique interne.

3 avril 2025 : L’escalade massive avec le « Liberation Day »

Le 3 avril 2025 représente un tournant décisif dans la politique commerciale de Trump, avec l’annonce d’une mise en œuvre élargie et brutale des tarifs douaniers, baptisée « Liberation Day » par le président. Cette date symbolise, selon lui, la « libération économique » des États-Unis face à la dépendance aux importations.

  • Contexte : Lors d’un discours enflammé à Mar-a-Lago le 2 avril, retransmis en direct sur Truth Social et les chaînes nationales, Trump déclare : « Aujourd’hui, nous reprenons notre destin en main. Les pays qui nous pillent vont payer le prix fort. » Cette annonce intervient après des mois de tensions croissantes, notamment avec la Chine, et une pression interne de son administration pour accélérer le programme protectionniste face à une inflation persistante et une grogne populaire sur le coût de la vie.

  • Détails des tarifs : À partir du 5 avril, les mesures suivantes entrent en vigueur :
    • Un tarif universel de 10 % sur toutes les importations, sans exception, y compris des alliés comme le Royaume-Uni et le Japon.
    • Des surtaxes ciblées : 20 % sur les produits de l’Union européenne, 34 % sur ceux de la Chine, 46 % sur le Vietnam et d’autres pays jugés « déloyaux » dans leurs pratiques commerciales.
    • Une taxe supplémentaire de 24 % sur les exportations japonaises (notamment automobiles et électronique) et de 25 % sur les produits pétroliers mexicains.
    • Des exemptions limitées pour certains biens stratégiques (médicaments essentiels, uranium canadien), mais sous contrôle strict.

  • Réactions immédiates :

    • Marchés : Dès le 3 avril, les bourses mondiales s’effondrent. Wall Street ouvre en chute libre : le S&P 500 perd 4,8 %, le Nasdaq 5,97 %, le Dow Jones 3,98 %. En Europe, le CAC 40 plonge de 3,31 %, le Dax de 3,02 %, et l’Euro Stoxx 50 de 3,61 %. Les marchés asiatiques, comme le Nikkei (-2,8 %), avaient déjà anticipé la débâcle la veille. L’or atteint un sommet historique à 3 167 dollars l’once, et le dollar chute de 2,6 % face à l’euro.

    • International : La Chine réagit le 4 avril avec des droits de douane de 34 % sur les produits américains, ciblant l’agriculture (soja, porc) et l’énergie. L’UE annonce des consultations pour des représailles sur le bourbon, les motos Harley-Davidson et les technologies américaines. Le Japon et le Mexique déposent des plaintes à l’OMC.

    • Aux États-Unis : Les entreprises technologiques (Apple, Intel) et industrielles (Boeing, Caterpillar) alertent sur des perturbations majeures dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les consommateurs s’inquiètent d’une flambée des prix, tandis que les Républicains au Congrès soutiennent Trump, malgré des dissensions chez les modérés.

  • Signification : Le « Liberation Day » marque une escalade sans précédent, transformant une politique protectionniste graduelle en une guerre commerciale totale. Trump mise sur un choc économique pour forcer une relocalisation des industries, mais il s’attire une opposition internationale massive et une volatilité intérieure accrue.

Comparaison des deux moments

  • Échelle : Février est une phase expérimentale, limitée à certains secteurs et pays, tandis que le 3 avril élargit les tarifs à une échelle globale et punitive.
  • Intention : En février, Trump teste les eaux et cherche à galvaniser sa base ; en avril, il impose une vision radicale, prêt à affronter les conséquences économiques et diplomatiques.
  • Impact : Les marchés absorbent février avec une nervosité contenue, mais le 3 avril déclenche une panique mondiale, amplifiée par les représailles immédiates.

2. Ce que pensent les marchés :

Les marchés ont réagi très fortement les 3 et 4 avril 2025 notamment, avec plus de 5000 milliards d’USD détruits sur les places boursières en 2 jours.

Les investisseurs pensent que les tarifs douaniers vont créer de l’inflation, en pesant sur les prix à la production, et que les taux vont augmenter – ce qui serait en effet catastrophique pour les USA, qui ont environ 8000 milliards d’USD de dette à refinancer en 2025.

Les marchés semblent persuadés qu’une récession guette les USA.

Les marchés sont dans l’espoir d’un retour en arrière de Trump sur les barrières douanières, ils pensent que la baisse des marchés pourrait le faire revenir en arrière. Le 7 avril, une rumeur publiée initialement par CNBC, a annoncé un report de 90 jours des droits de douanes – les marchés se sont envolés (+4% sur la journée pour le S&P). La Maison Blanche a ensuite démenti cette rumeur, la qualifiant de manipulation de marché, et toute la hausse a été rendue dans la journée.

3. Notre analyse

L’objectif des “tarifs” : La mise en place de tarifs par l’administration est en réalité “une opération à cœur ouvert” sur une économie mondiale, au bord d’une très grave crise obligataire – due à la très forte aggravation de l’endettement des USA depuis des décennies, et en particulier sous l’administration Biden : le risque d’effondrement de la dette d’Etat US, actif jusqu’ici jugé le plus sûr au monde, est réel dans l’année, au moment où, suite à la guerre en Ukraine, les pays affiliés aux BRICS achètent dorénavant leur pétrole dans leur monnaie (et non plus en dollar).

La méthode : Pour cesser d’endetter les USA, il faut :

  1. Couper massivement dans les dépenses démesurées de l’Etat fédéral (ce que fait Musk avec le DOGE);

  2. Renverser le déficit commercial structurel des USA : les USA sont un pays de consommateurs, qui est le premier importateur mondial. Et pour cela, il faut :

  3. Attirer les entreprises du monde entier sur le sol américain, et pour cela :
    1. Les tarifs sont mis en place à cette fin : si vous produisez en dehors des US, vous payez les droits de douanes, si vous rapatriez vos usines sur le sol américain, vous ne les payez pas – ce qui est produit sur le sol américain n’est plus à importer;
    2. Suppression massive en cours des règlementations et contraintes diverses, y compris “écologiques”, qui empêchent le business;
    3. Faire des USA un quasi-paradis fiscal pour les américains et les entreprises qui produisent sur le sol US : le discours de Trump dans les rosiers de la Maison Blanche, le 3 avril, lors duquel il a annoncé la mise en place des tarifs, s’est terminé par : “Et maintenant nous allons passer les réductions d’impôts les plus importantes jamais passées dans l’histoire des USA”.

L’inflation, qui est crainte par les marchés, est-elle un risque ?

1- Les barrières douanières, si elles étaient mises en place, sans les autres mesures, seraient rigoureusement inflationnistes. Mais si l’on prend en compte toutes les autres mesures (dérèglementation, chute des dépenses de l’Etat, dérèglementation, volonté de faire la paix dans le monde (Ukraine et Moyen Orient)…), tout cela est déflationniste, et à notre avis compense largement l’impact des barrières douanières

2- Par ailleurs, les barrières douanières ne s’appliqueront progressivement pas sur les entreprises qui vont progressivement rapatrier leur production aux USA : même Apple, qui ne produit rien aux USA comme toutes les grandes sociétés technologiques américaines (sauf Tesla), a annoncé 500Mds d’USD d’investissement aux USA…

3- En outre, les tarifs sont appelés “réciproques” par Trump – ils sont un levier de négociation : ils équivalent à la moitié des barrières douanières (tarifaires, règlementaires et manipulation monétaire) que supportent les USA. Aussi, les pays qui accepteront de supprimer leurs droits de douanes vis-à-vis des USA verront les droits de douanes à leur égard également supprimés. Pour les pays coopératifs, on assiste à une suppression réciproque des droits de douanes sur une grande partie de la planète, et à la fin à un monde économique bien plus “fair” avec moins de barrières douanières qu’avant Trump.

Nous suivons un indicateur aux USA qui calcule en temps réel l’inflation aux USA (les statistiques officielles ont 45 jours de retard) avec une faible marge d’erreur historiquement : alors que les craintes de retour de l’inflation sont au plus haut aux USA, l’inflation est, selon cet indicateur, en réalité en chute libre aux USA, contrairement à ce que craignent les marchés – le prix des œufs chutent, le fret a été divisé par cinq depuis novembre 2024, le pétrole s’effondre, etc., etc…

Les résultats de la politique de l’administration Trump à ce stade :

Alors que les marchés sont persuadés qu’une récession guette les USA suite aux tarifs douaniers, on a vu :

1- Création d’emplois : tout début avril 2025, les chiffres de l’emploi qui ont annoncés DEUX FOIS PLUS DE CREATIONS D’EMPLOI qu’attendu par les investisseurs, malgré tous les licenciements d’emploi publics fait par le DOGE de Musk…

2- Re-industrialisation : Pour la première fois depuis plusieurs décennies, les USA ont créé plus de 10 000 emplois manufacturiers ! La réindustrialisation est déjà en cours, elle s’annonce massive.

3- Plus de 5000 milliards d’USD de promesses d’investissement sur le sol américain en deux mois seulement ! : D’après les annonces officielles relayées par la Maison Blanche, près de 5 000 milliards de dollars (5 trillions, soit quasiment deux fois le PIB de la France) en engagement d’investissement et commerciaux auraient été sécurisés à l’échelle mondiale depuis le début de son second mandat.

4- Négociations déjà en cours des pays, pour supprimer leurs barrières douanières vis-à-vis des USA, et voir celles des USA être enlevées : Plus de 75 pays auraient initié des contacts selon des déclarations officielles de la Maison Blanche dans les quatre jours qui ont suivi l’annonce des tarifs…

Les marchés sont fortement secoués, mais pas l’économie réelle américaine…

4. Pour les marchés :

Fin de la bulle des 7 magnifiques : Les tarifs douaniers sont une attaque directe contre “les sept magnifiques” (Apple, Amazon, Google, Microsoft, Nvidia…) : Charles Gave a brillamment montré qu’aucune de ces sociétés ne paient d’impots aux USA ! Par exemple, l’une d’entre elle fabrique ses téléphone en Chine pour 100 USD, puis elle les fait acheter en Irlande pour 100 dollars, qui les revend à 1000 dollars aux USA. Ainsi, cette société fait 900 dollars de profits en Irlande, où le taux d’impôts est de 4%… Et 0 dollars de profit aux USA : l’Etat US ne perçoit quasiment aucun impôt de ces méga-sociétés.

Dorénavant, avec les tarifs douaniers, lorsque la société aux USA importera pour 1000 dollars les telephones irlandais, elle paiera 35% de droits de douane. Si elle ne veut pas les payer, elle peut rappatrier sa production aux USA, ou elle paiera seulement 25% d’impots.

Ainsi, la sur-valorisation historique des 7 magnifiques est vraisemblablement enfin terminée : le repricing est en cours – le Nasdaq est -20% depuis le 1er janvier.

Risque de représailles de quelques grands pays (en particulier la Chine) : La Chine a dit qu’elle se battrait “jusqu’à la fin” contre les tarifs douaniers de Trump (alors que la Chine impose beaucoup plus de barrières douanieres aux produits US). Trump a menacé d’ajouter 50% de tarifs douaniers, aux 34% de tarifs, qui se sont ajoutés aux 20% habituels, si la Chine ne supprimait pas ses tarifs contre les USA. Aujourd’hui, depuis le 9 avril au matin, ce sont 104% de barrières douanières qui s’imposent aux produits chinois.

Il y a un risque d’une forte dévaluation forcée du yuan chinois en représailles, et des mouvements étonnants sur les taux d’intérêts US hier, le 8 avril, semblent montrer que peut-être la Banque Centrale chinoise vend massivement ses Bons du trésor US, pour empêcher une baisse des taux (bien que nous n’ayons pas de certitude en l’absence de statistiques publiques).

Risque à court terme d’une crise financière le temps que les opérateurs s’adaptent au nouveau monde en train de se dessiner : La secousse sur les marchés est telle, qu’il est possible qu’on assiste à l’apparition d’appels de marges meurtriers pour certains opérateurs de marchés.

Conclusions à ce stade :

Une mutation majeure de l’économie US, la plus importante au monde, pour éviter un défaut sur la dette US, est en cours.

Elle entrainera dans les semaines et mois qui viennent, suite aux négociations qui ont lieu entre les pays du monde avec les USA, une recomposition du commerce mondial, qui sera beaucoup moins basé sur les barrières douanières et les manipulations monétaires, où le commerce sera plus libre avec les pays coopératifs.

La réindustrialisation des USA, bien que ce ne soit que le début, est déjà en cours : création d’emplois manufacturiers, investissements massifs annoncés (5000 milliards d’USD à ce stade).

N’étant pas investis sur les sociétés technologiques, US, nous n’avons pas bougé pour le moment nos portefeuilles.

Comme l’a dit Charles Gave, les trois mouvements actuels que sont la baisse massive du prix du pétrole, la baisse du dollar, la baisse des taux, sont une énorme baisse d’impôts pour les consommateurs américain ET non américain : « J’ai rarement vu une telle STIMULATION à l’échelle mondiale, et des hausses de prix ne sont pas à craindre puisque le pétrole à baissé… ».

Pour nous, ce moment de grande secousse sur les marchés est l’occasion, comme l’a dit récemment Jamie Dimon, patron de JP Morgan, le meilleur banquier du monde, ce moment est l’occasion d’opportunités d’investissements majeures à long terme pour ceux qui comprennent le monde que crée sous nos yeux l’administration Trump.

Il disait déjà en 2024 à Davos, sur le premier mandat de Trump : “Reculez d’un pas, soyez honnête. Il avait en quelque sorte raison sur l’OTAN, en quelque sorte raison sur l’immigration. Il a fait croître l’économie plutôt bien. La réforme fiscale a fonctionné. Il avait raison sur certains aspects de la Chine. »



Christophe Brochard
Groupe Quinze – Gestion Privée

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