Ce vendredi 10 mars 2023, la principale banque des start-up américaines depuis 1983, la Silicon Valley Bank (SVB), a été fermée par les autorités, à la surprise quasi-générale des marchés. Cette liquidation constitue la seconde plus importante faillite de banque aux USA, après celle de Washington Mutual en 2008.
La faillite de la Silicon Valley Bank a engendré un bank-run aux USA : les épargnants se sont précipités auprès de leurs nombreuses banques, pour retirer leur argent. Ce bank-run à son tour, a provoqué un vent de méfiance généralisé sur les banques américaines de tailles intermédiaires, et la liquidation de deux autres banques cette semaine: la Signature Bank mais aussi la Silvergate Bank, connue pour ses liens privilégiés avec le milieu des cryptomonnaies.
Pourtant :
- Un mois auparavant, la Silicon Valley Bank (SVB) a été saluée comme l’une des “20 meilleures banques d’Amérique” par le magazine Forbes;
- Quinze jours avant, 23 auditeurs du commissaire aux comptes international KPMG ont validé sans réserve et à l’unanimité les comptes de SVB;
- Quelques jours avant l’effondrement, les dirigeants de la Silicon Valley Bank ont vendu des millions de dollars d’actions : Gregory Becker, PDG a vendu 11%, Michael Zucker, avocat général 19%, Daniel Beck, directeur financier – 32%, Michelle Draper, CMO, 25%;
- La banque venait de passer 9 mois sans responsable de la gestion des risques;
- Joseph Gentile, qui est le Responsable administratif en chef de la Silicon Valley Bank, était auparavant le directeur financier (CFO) de …Lehman Brothers (!), la banque d’affaires dont la faillite en 2008 a créé la grande crise financière mondiale de 2008…
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Comment en sommes-nous arrivés là ?
Voici ce qui s’est passé : la Silicon Valley Bank avait connu une forte croissance ses dernières années avec une taille de bilan passée de $4,5 milliards d’USD fin 2003 à $212 Mds USD fin 2022. En particulier, les dépôts de la banque sont passés de $62 Mds USD au premier trimestre 2020 à $198 Mds USD au premier trimestre 2022.
La Silicon Valley Bank (SVB) avait investi massivement ses capitaux et ceux de ses clients sur des emprunts d’Etats à long terme, et non à court terme – ce qui est une faute incroyable de gestion pour une banque !
Depuis début 2022 notamment, le retour de l’inflation a entraîné une hausse forte des taux d’intérêt, et donc une forte baisse de la valeur de ces emprunts d’Etats à long terme que SVB détenait (sans que cette baisse ne paraisse dans ses comptes, pour des raisons réglementaires).
Or, suite à l’activité habituelle de start-up cliente, SVB a perdu plus de $25 milliards d’USD de dépôts… ce qui a forcé la banque à vendre immédiatement des emprunts d’Etat à long terme qu’elle détenait, et a révélé le pot aux roses.
Le 8 mars, SVB a annoncé qu’elle avait vendu pour plus de 21 milliards d’USD d’emprunt d’Etat américain à long terme, en essuyant une perte de 1,8 milliard d’euros… et qu’elle engageait une augmentation de capital au même moment, également 2,25 milliards de dollars en nouvelles actions pour consolider son bilan.
Cela a déclenché une panique parmi les principales sociétés de capital-risque, qui ont conseillé aux entreprises clientes de la Silicon Valley Bank, mais aussi aux clientes des autres banques américaines de tailles intermédiaires (moins de 250 milliards d’USD d’encours), de retirer leur argent au plus vite ! Cela a provoqué des problèmes de liquidité, une panique bancaire puis un effondrement de la banque, et de quelques autres banques et sociétés financières liées aux cryptomonnaies.
A quoi peut-on s’attendre ?
La faillite de SVB ne semble pas faire peser un risque systémique. La FDIC qui est une agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis ayant comme responsabilité d’assurer aux épargnants la garantie des dépôts bancaires jusqu’à 250 000 dollars, remboursera finalement sans limite l’ensemble des dépôts des épargnants avec l’aide de la FED et du Trésor américain. De plus, la qualité des actifs et les coussins de fonds propres des grandes banques sont des éléments positifs à la non-propagation du cas Silicon Valley Bank.
Le Crédit Suisse a connu également ces derniers jours un mouvement de panique, pour des problématiques qui sont pourtant connues depuis longtemps des investisseurs, avec là encore une contagion aux banques européennes.
Le moment Lehman Brothers n’aura pas lieu
Le marché a cru à un moment Lehman Brothers (une grande crise financière qui engendre une récession forte), c’est l’inverse qui se produit : les Banques Centrales et les institutions financières de parts et d’autres de l’Atlantique ont appris de la crise de Lehman Brothers, et agissent rapidement et fortement pour l’éviter. La Fed et le Trésor américains garantissent les dépôts des épargnants sans aucune limite de montant; en Europe, la banque centrale suisse (BNS) a annoncé qu’elle prêterait sans aucune limite des fonds au Crédit Suisse “Whatever it takes”.
Il y a eu en moins d’une semaine, de très fortes variation de taux d’intérêts, des anticipations de croissance se sont retournées massivement en anticipations de récession (moment Lehman). Et pourtant, à ce stade, lorsque le marché se sera frotté les yeux, la préoccupation des investisseurs redeviendra la bonne tenue de la croissance économique et la hausse plus forte que prévue de l’inflation et des taux.