La très forte hausse des salaires dans les pays émergents a comme conséquence le redressement industriel structurel des économies développées, en particulier dans les pays anglo-saxons : les salaires ayant fortement augmentés dans les pays émergents, les entreprises seront durablement amenées à rapatrier leur production vers les pays développés.
Nouvelle tendance, la relocalisation de la production dans les économies développées devrait gagner du terrain grâce à la réduction des écarts de salaire dans les pays en développement.
Les avancées de la production manufacturière, telles que l’automatisation et la fabrication additive, encouragent la relocalisation car les avantages présentés par des chaînes d’approvisionnement courtes et une commercialisation rapide séduisent les entreprises.
En offrant aux sociétés un accès à moindre coût aux énergies et aux principales matières premières, l’exploitation de schistes bitumineux devrait nettement stimuler les secteurs industriels aux États-Unis.
De plus en plus de sociétés des marchés développés choisissent de relocaliser leur production. À la une de tous les médias, la décision d’Apple de fabriquer ses ordinateurs aux États-Unis n’est pas un cas isolé. L’année dernière, General Electric a rapatrié dans le Kentucky la production de ses lave-linge et réfrigérateurs auparavant en Chine. Ford a quant à lui relocalisé sa production automobile de la Chine et du Mexique vers l’Ohio et le Michigan. Google assemble son boîtier multimédia en streaming Nexus Q à San Jose et Caterpillar est en train d’ouvrir une nouvelle usine au Texas. Réalisée auprès de 198 entreprises manufacturières américaines présentes à l’international, une enquête de MIT de 2012 indique que 15 % d’entre elles ont la ferme intention de relocaliser une partie de leur production aux États-Unis et qu’un tiers d’entre elles envisagent cette démarche.
On peut également observer cette tendance sur d’autres marchés. Au Royaume-Uni l’année dernière, GlaxoSmithKline a annoncé sa volonté d’investir 500 millions de livres sterling dans une nouvelle usine biopharmaceutique ; cela faisait 40 ans que le groupe n’en avait pas bâti une sur le territoire britannique. Le groupe a également lancé un fonds de capital risque de 50 millions de livres sterling axé sur le marché britannique et qui se concentre sur les jeunes sociétés de la santé et les entreprises issues des universités.
Le principal moteur de cette tendance à la relocalisation a été les hausses de salaire en Asie, qui rendent la délocalisation moins attrayante. Selon l’Organisation mondiale du travail, en Asie, les salaires réels ont progressé de plus de 7 % par an entre 2000 et 2008.3 En Chine, la croissance des salaires a été encore plus rapide, avec 19 % par an entre 2005 et 2010, selon Boston Consulting Group (BCG).4 Le graphique 1 (à gauche) illustre l’envolée des salaires moyens chinois. Alors que McKinsey estime que les salaires n’ont augmenté que de 0,5 à 0,9 % par an dans les économies développées entre 2000 et 2008, les salaires réels du secteur manufacturier américain ont en fait reculé de 2 % depuis 2005.
D’autres facteurs incitent à la relocalisation. Le gaz de schiste fait baisser les coûts de production des sociétés aux États-Unis. Du fait de l’automatisation et d’autres avancées technologiques, la production manufacturière requiert moins de main-d’œuvre, ce qui permet à de nombreuses sociétés des marchés développés de raccourcir leurs chaînes d’approvisionnement et d’établir leur activité à proximité des marchés sur lesquels elles dégagent le chiffre d’affaires le plus élevé. Avec des chaînes d’approvisionnement longues et complexes, le capital est immobilisé sur les porte-conteneurs et les risques en termes de contrôle qualité, de pratiques de travail, de problèmes environnementaux et même de troubles politiques sont plus nombreux. Les prix élevés du pétrole ont augmenté les coûts de transport. Tous ces facteurs poussent les sociétés à envisager sérieusement de fabriquer leurs produits à proximité de leurs marchés finaux les plus vastes et les plus rentables.
Nouvelle révolution industrielle: impression 3D et Big Data
En outre, additionnées à la hausse des salaires dans les pays émergents, la fabrication additive (ou impression 3D) et le Big Data permettent d’envisager la naissance d’une nouvelle révolution et d’une nouvelle économie industrielles dans les pays développés: la fabrication additive, par exemple, est une innovation qui permet d’«imprimer» des objets avec une machine qui superpose des couches successives de matière grâce à des modèles en trois dimensions conçus par ordinateur. La fabrication additive est d’ores et déjà utilisée pour réaliser des produits divers, allant de composants aéronautiques à des appareils auditifs.
L’utilisation accrue de cette technique devrait encourager la relocalisation, la production à l’échelle locale, le raccourcissement des chaînes de production et la réduction du nombre de fournisseurs sollicités par les fabricants. Puisque les composants sont stockés numériquement et seulement « imprimés » au besoin, les stocks pourraient chuter. Depuis son lancement à la fin des années 1980, le secteur de la fabrication additive a progressé à un rythme annuel supérieur à 20 %.
Quelles sont les conséquences? Aux cours des prochaines décennies, la production manufacturière pourrait être réalisée de plus en plus à l’échelle locale à mesure du raccourcissement marqué des chaînes d’approvisionnement. Les entreprises des pays développés concevront, produiront et vendront leurs produits sur ces marchés. Ainsi, il est possible que nous assistions au renouveau des industries en déclin dans les marchés développés. En fin de compte, malgré la morosité liée à l’endettement des pays développés, ces tendances pourraient se révéler une nouvelle source de croissance économique précieuse pour eux.