Les USA ne sont plus des emprunteurs notés “AAA” !

La notation de la dette d’Etat des USA a été rétrogradée le 1er août par l’agence de notation Fitch, de AAA vers AA+ : comme c’est la deuxième grande agence de notation (sur trois) à retirer à la dette américaine son triple A, nous pouvons dire comme c’est l’usage, qu’officiellement, l’Etat américain ne fait désormais plus partie des rares Etats notés AAA dans le monde.

La dégradation par l’agence Fitch de la qualité d’emprunteur de l’Etat américain

Concrètement, la notation financière à pour rôle majeur de fournir aux investisseurs une évaluation rigoureuse de la qualité de crédit et de la capacité de remboursement des acteurs économiques publics et privés.

Cette dégradation a été suscitée par la rudesse des débats politiques relatifs au plafond de la dette, et par la politique budgétaire extrêmement dépensière de l’Etat américain, dans un contexte de remontée des taux d’intérêts et donc du coût de la dette.

La dégradation de la note des États-Unis porte avec elle une série de conséquences, dont certaines peuvent être immédiates, et d’autres à plus long terme.

Un affaiblissement très relatif de la solidité des USA

Immédiatement, elle risque de déprécier la confiance des investisseurs à l’égard de l’Etat américain, et finalement du dollar, de l’économie américaine. Cette appréhension peut se traduire par des investisseurs exigeant des rendements plus élevés sur la dette souveraine américaine, résultant de la montée du risque perçu. La baisse de la note des USA pourrait amplifier le coût de l’emprunt de l’Etat et des entreprises américaines, et accroître le déséquilibre entre les prêteurs à l’Etat américains et la quantité historique de dette émise, accentuant ainsi les défis financiers à venir. Par ailleurs, les retombées ne se limitent pas à l’économie ; elles pourraient également influencer la réputation des États-Unis en tant que puissance économique mondiale, ouvrir des opportunités pour d’autres pays d’affermir leurs positions dans les domaines du commerce et de la finance.

Un timing plus politique qu’économie ?

Mais au-delà de ce point de vue, cette rétrogradation soulève par ailleurs quelques interrogations d’analystes américains, principalement axées sur le timing politique de cette dégradation. Survenant à peine un an avant les prochaines élections présidentielles américaines, et stigmatisant les débats intenses entre démocrates et républicains concernant le plafond de la dette en 2023, cette dégradation permet aux Démocrates de renforcer médiatiquement la responsabilité des républicains dans ce contexte. Il faut se souvenir que ces débats ont lieu à chaque fois que le plafond de la dette est atteint, quel que soit le parti au pouvoir, c’est-à-dire presque chaque année, et qu’en 2018 en particulier, à l’occasion des débat sur le plafond de la dette, l’Etat américain avait été contraint de fermer ses portes (shutdown) et de cesser toutes ses activités pendant plusieurs mois, de suspendre la rémunération de millions de ses fonctionnaires (hors des seules fonctions essentielles – police, pompiers, hopitaux…) – c’était à l’époque sous la pression des Démocrates, alors dans l’opposition.

En effet, à première vue, dans le contexte actuel, la dégradation de la note des États-Unis peut sembler avoir un impact limité, même si elle va un peu contribuer à augmenter légèrement les taux d’emprunts. En effet, la situation budgétaire et financiere de l’Etat américain est parfaitement connue des investisseurs, et cette dégradation de se fonde sur aucun élément nouveau.

Vers la fin de la domination mondiale du dollar américain ?

Cependant, à plus long terme, cette évolution contribue à la “vulnérabilité” croissante des États-Unis et peut signaler un déclin progressif de l’exceptionnalisme américain. En effet, en particulier depuis 2022, de très nombreux et importants pays émergents ont officiellement cessé d’utiliser le dollar dans leurs échanges internationaux (Chine, Inde, Bresil, Iran, Arabie Saoudite, …). Nous assistons pour la première fois à une époque où de nombreux pays majeurs se détournent progressivement du dollar. À titre d’exemple, le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) discute actuellement en Afrique du Sud de la création d’une monnaie commune à tous les pays membres, qui serait basée sur l’or et peut-être les matières premières, mettant en lumière les défis futurs entourant l’omnipotence mondial du dollar.

Depuis de nombreuses décennies, le système financier mondial a reposé fermement sur le socle incontesté de la suprématie du dollar américain. Autrefois considérée comme une source de stabilité et de confiance pour les investisseurs à travers le globe, cette monnaie fait désormais face à une série d’événements récents qui commencent à ébranler son statut.

Benjamin Minoux & Anthony Kler

Analystes financiers

Groupe Quinze – Gestion privée

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