La hausse de l’euro & le simulacre coréen

Économie
16 août 2017
8 min de lecture
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(Temps de lecture : 4 min)

Comme depuis plusieurs années, les politiques des banques centrales et le rythme de hausse des taux gouvernent plus que jamais les marchés mondiaux. Parallèlement à ces éléments financiers, les tensions géopolitiques liées à une recomposition en cours de l’ordre mondial peuvent peser sur les marchés financiers. Et, comme l’actualité récente l’a montré, il arrive parfois que le financier s’allie à la géopolitique, pour créer des excès sur certains marchés financiers, qui sont autant d’opportunités d’investissement.

C’est ce qui vient d’arriver ces derniers jours, avec la hausse de l’euro et le dossier coréen. Explications.

Une planète se décale : l’euro

Au niveau économique, comme nous en avons souvent parlé, la zone euro bénéficie depuis deux ans environs de conditions économiques extra-ordinairement favorables : des taux d’intérêts à 0%, un euro en forte baisse face au dollar américain, et un prix du pétrole durablement réduit. La conjonction de ces trois facteurs est appelée par les analystes du monde entier « l’alignement des planètes ». C’est une chance historique.

Et, bien que tardivement, et plutôt mollement eu égard à l’importance des stimulis cité ci-dessus et de l’importance du soutien de la BCE, la zone euro profite enfin, elle aussi, de la croissance mondiale depuis quelques mois. Les statistiques le prouvent : la croissance revient.

Mais fatalement, l’alignement des planètes va alors peu à peu prendre fin, il pourrait devenir l’alignement des météorites (nous en reparlerons). En effet, le retour de la croissance et d’une inflation même faible, contraindra tôt ou tard la BCE à diminuer son soutien monétaire à la zone, voire, d’ici quelques années, à augmenter les taux d’intérêts. Les injections de la BCE ont déjà été réduites en avril, de 80 milliards d’euros par mois, à 60 milliards. Et l’ensemble des intervenants de marchés attendent avec inquiétude la conférence de presse de Mario Draghi du mois de septembre, pour savoir à quelle vitesse il compte durcir sa politique monétaire, et quelles seront les conséquences sur les taux d’intérêts.

En outre, quelques statistiques américaines ambiguës ces derniers mois ont laissé penser à certains que le formidable et apparemment inextinguible cycle de croissance américain (le deuxième plus long de son Histoire) pourrait donner enfin quelques signes d’affaiblissement.

En conséquence, nous avons commencé à voir une planète alignée se décaler : l’euro, qui avait baissé de plus de 30% face au dollar, est reparti à la hausse ces derniers mois. L’euro est passé de 1,05 dollars US en avril 2017, à 1,19 dollars début août – soit une hausse de plus de 10% très rapide, sur des monnaies du G4…

Or, la hausse de l’euro est un frein fort à l’économie de la zone euro. En effet, grâce à la seule contribution de l’Allemagne, qui a présenté en 2016 l’excédent commercial le plus élevé au monde (devant la Chine…), et ce, malgré l’aggravation des mêmes balances commerciales pour les autres pays de la zone euro, la zone euro en moyenne présente un excédent commercial important. Elle est donc en moyenne sensible au niveau de l’euro.

Ainsi, depuis le début du mois de mai, naturellement pénalisées par la hausse de l’euro, les actions de la zone euro sont entrées dans une phase de baisse lente et continue. Une des trois planètes (l’euro) est devenue une météorite. En attendant les autres ?

 


Le simulacre coréen

Parallèlement à cela, les tensions géopolitiques entre la Corée du Nord de Kim Jong Un et les USA ont fait craindre aux marchés jusqu’à une confrontation nucléaire entre les deux pays, et potentiellement avec la Russie, et peut-être même avec la Chine. Ces deux pays sont en effet des partenaires commerciaux, et souvent politiques, de l’encombrante Corée du nord.

Nous ne partageons pas cette crainte, en l’état des choses.

Il nous semble qu’une fois de plus, les tensions extérieures des USA sont le résultat des tensions intérieures aux USA : prenons un peu de hauteur pour comprendre.

L’élection de Trump a été le signe de l’émergence de la volonté d’un ordre mondiale multipolaire, face à l’ordre mondial bipolaire USA-Russie, hérité de la guerre froide, défendu par l’ONU, entre beaucoup autres institutions internationales. Comme c’est le cas depuis la politique d’après guerre d' »endiguement » de la Russie par les USA, et comme c’est le cas en Syrie aujourd’hui, les tenants de l’ordre bipolaire n’hésitent pas à s’associer à l’intégrisme islamique, quand ils ne l’arment pas directement, pour l’utiliser contre la Russie et ses alliées. C’était le cas en Afghanistan après la guerre; aujourd’hui, le conflit syrien est évidemment un des lieux de cette recomposition mondiale. La difficulté de Trump a gouverner aux USA, malgré son élection récente et sa majorité dans les deux chambres et au niveau fédéral comme étatique (gouverneurs, shérifs, etc.) jamais vue depuis 1920, est également un signe de ce que deux formes d’ordres géopolitiques s’affrontent.

A notre avis, pour comprendre les tensions coréennes, il faut considérer les évènements récents : ces derniers mois, suite au G20 de Hambourg, qui a vu Trump et Poutine s’entretenir longuement, Trump a réussi à conclure un cesser le feu avec la Russie en Syrie, en vue d’obtenir une solution politique dans le pays. C’est un évènement majeur. Ce cessez-le-feu a, il faut le noter, été conclu dans le cadre de négociations parallèles à celles de l’ONU… En outre, Trump, en juillet 2017, a réussi à mettre fin à un programme de la CIA visant à armer les rebelles anti-Assad en Syrie, qui étaient souvent aux cotés de Daesh sur le terrain militaire. Ces deux éléments ont permis de nombreuses victoires contre Daesh et leurs alliés sur le terrain syrien et irakien. Et plus encore, avec le début de la collaboration des USA avec la Russie, et avec la fin de l’armement des islamistes par les américains, ce sont deux piliers fondamentaux de la géopolitique américaine depuis la guerre froide qui se sont effondrés.

Aussi, il n’est guère étonnant qu’on ait vu subitement, en représailles, le fils Trump accusé de collusion avec la Russie, etc. Le Congrès a soudain décidé de nouvelles sanctions contre la Russie, tout en retirant à Donald Trump tout pouvoir de les annuler. Et le Président américain, pour ne pas être accusé de faiblesse face à la Russie, a donc dû ensuite, en juillet 2017, effectuer des mouvements de troupes américaines en Europe de l’Est à coté de la frontière russe, et montrer ses muscles face aux menaces de Kim Jong Un en Corée du Nord, allié traditionnel de la Russie et de la Chine. Ce n’est là, à notre avis, que diplomatie et démonstrations de force donnée d’une main, pour pouvoir maintenir de l’autre côté, ses avancées sur le terrain syrien et irakien.

Aussi, le risque d’une décision « impulsive » d’une attaque nucléaire par le « stupide » Trump (ainsi que l’a appelé Jack Lang récemment), et qui déclencherait une guerre mondiale, dont parlent de nombreux journalistes et politiques occidentaux, est infondé. En effet, la Russie a souhaité que la Corée du Nord calme ses ardeurs belligérantes, et la Chine, autre allié historique de ladite Corée, a d’ores-et-déjà coupé ses importations d’acier. L’objectif partagé est bien d’éviter une frappe sur un pays dont on ne connait pas réellement la capacité de réaction en particulier au niveau sous-marine, comme le précise Charles Rault (Cyceon).

Ces inquiétudes géopolitiques ont par contre naturellement pesé sur les marchés financiers mondiaux, accroissant encore un peu la baisse des marchés liée à la hausse de l’euro depuis le mois d’avril 2017.

 


Un point d’entrée sur les marchés

Ainsi, comme nous pensons que la hausse de l’euro est aujourd’hui exagérée face au dollar, et que la force de croissance européenne est aujourd’hui relativement sur-estimée, comme est sous-estimée celle des USA, et que nous pensons que le risque d’une décision malheureuse est écarté en Corée du Nord, nous en avons profité pour réaliser un arbitrage en date de valeur de vendredi 11 août, et accroître sensiblement notre exposition à nos risques à un point de marché intéressant.

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