Le 23 mars 2022, par William Gabel (Temps de lecture : 3 min)
Placement le plus utilisé en France, l’assurance-vie n’en reste pas moins un produit technique qui fait l’objet de nombreuses idées reçues. À travers cet article, nous souhaitons apporter certaines réponses quant à la question de la sécurité des dépôts, et vous éclairer sur les solutions qui existent pour protéger son épargne.
Dans le contexte particulier que nous connaissons lié au Covid 19 et au conflit ukrainien, certains d’entre vous ont pu craindre, à juste titre, le blocage de leurs assurances-vie. La situation macroéconomique floue dans laquelle nous sommes plongés depuis 2 ans maintenant, prolongée par un conflit en Ukraine qui n’a pas encore délivré toutes ses conséquences pour nos économies, surtout en Europe, interroge. Tous ces évènements ont une nouvelle fois mis en lumière la fragilité du système financier européen.
Cette crainte de voir son épargne bloquée est justifiée et elle nécessite qu’on se penche sur l’épineux sujet de la sécurité des dépôts en France. Votre argent est-il réellement en sécurité aujourd’hui dans les compagnies d’assurance françaises ?
Le contexte législatif : la loi Sapin II
Peu connue des épargnants, la loi Sapin 2 est entrée en vigueur le 11 décembre 2016 et bouleverse sensiblement le paysage concernant la sécurité des dépôts. En effet, l’article 49bis de cette loi étend les pouvoirs de régulation du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) concernant l’assurance. Cet organisme, créé en juillet 2013, présidé par le ministre des finances, exerce une mission de surveillance du système financier français et joue un rôle central avec cette loi.
La loi Sapin 2 permet au HCSF de décider, pour tous les contrats d’assurance vie français, de :
- « Restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs» …
- « Limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat» …
- « Retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat»…
Cette loi a vocation à protéger les dettes d’Etats contre une crise financière systémique. Le législateur est parti du constat suivant : en cas de remontée même faible des taux d’intérêt (risque rendu possible avec des taux d’intérêt négatifs depuis 2015), le coût du crédit deviendrait rapidement insupportable pour beaucoup d’Etat de la zone euro. Ainsi, permettre à un organisme d’Etat d’empêcher l’un des principaux détenteurs de la dette d’Etat (à savoir les épargnants français en fonds en euro) de vendre, par le blocage de leurs contrats d’assurance, permet de limiter la hausse du coût de la dette pour l’Etat. Cette loi protège donc le système financier, ce qui est une bonne chose, mais elle le fait au détriment de l’épargnant, ce qui est une moins bonne nouvelle.
Quelles conséquences pour vous épargnant ?
Si cette loi venait à être appliquée, il y aurait une indisponibilité totale des fonds placés sur ces contrats français, qu’ils soient investis en fonds en euro ou en unités de comptes. Vos contrats d’assurance-vie français seraient gelés dès le premier euro; impossible de procéder à des rachats, impossible de verser sur ces contrats, de mettre en place des avances, et même impossibilité pour vous ou votre gestionnaire de procéder à des arbitrages au sein du contrat, afin de « protéger » votre épargne.
Les assurances vie sont-elles garanties jusqu’à hauteur de 70 000€ ?
Lorsque vous déposez votre argent sur un contrat d’assurance vie en France, les fonds sont réputés garantis en cas de faillite ou de défaut de la compagnie d’assurance, jusqu’à hauteur de 70 000 euros. Que vaut cette garantie ? Une loi française de 1999 a en effet créé le Fonds de Garantie des Assurances de Personnes (FGAP). Ce fonds a pour but de consolider la protection des assurés en cas de défaillance d’une société d’assurances. Or le fonds de garantie n’est doté que de 1,5 milliard d’euros, pour garantir les 1850 milliards d’euros placés en assurance vie en France ! Peu dotés, ces fonds ne seront malheureusement d’aucune utilité en cas de crise majeure.
Par ailleurs, si la loi Sapin 2 consistant en un blocage de votre épargne en assurance vie, venait à être déclenchée par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), le fonds de garantie (FGAP) ne serait même pas déclenché, car il ne s’agit pas d’un défaut de la compagnie d’assurance.
Comment agir ?
Nous ne pouvons que vous inciter à poser la question à votre assureur de l’assujettissement de vos contrats français à la loi Sapin II. Nous accompagnons régulièrement nos clients sur cette question à travers un audit de leur patrimoine financier afin de prendre les dispositions nécessaires pour éviter d’être dans le champ d’application de cette loi, en particulier en ayant recours à des contrats d’assurances vie luxembourgeois dédiés à la clientèle française.
En effet, la législation luxembourgeoise offre à l’épargnant des garanties parmi les meilleures au monde (triangle de sécurité et super privilège*).
Historiquement réservés à une clientèle (très) fortunée (plus de 300 000 euros), il existe des contrats luxembourgeois dédiés à la clientèle française à partir de 30 000 euros.
Conclusion
La loi Sapin II n’est qu’un élément du nouveau risque de dépositaire, qui concerne l’épargne en assurance. Des dispositions similaires existent pour les comptes bancaires au niveau de la Banque Centrale Européenne (Directive BRRD), qui font peser le risque d’une saisie de l’épargne bancaire également en cas de crise majeure. Lire notre article sur les banques : Votre argent est-il en sécurité dans les banques ?
Si la question n’en était pas une il y a une dizaine d’années, quand nous avons commencé à l’aborder, elle devient aujourd’hui une question centrale pour tous les patrimoines français. Les épargnants doivent désormais intégrer cette nouvelle exigence : le choix de la banque ou de la compagnie d’assurance devient essentiel et épineux. Répondre à ce risque de dépositaire devient, à notre avis, une mission essentielle pour les conseils en gestion de patrimoine.
*Le Super Privilège
La créance des souscripteurs bénéficie du privilège absolu en termes de remboursement : c’est le Super Privilège. Le souscripteur est un créancier privilégié et passera en priorité face aux autres créanciers, comme le Trésor luxembourgeois par exemple, en cas de difficulté de la compagnie.
William Gabel
Ingénieur patrimonial
Groupe Quinze – Gestion Privée